D’une bataille à l’autre. Après que la ville soudanaise d’El-Fasher, l’ultime bastion gouvernemental de la région du Darfour, est tombée aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) dimanche 26 octobre, la région centrale du Kordofan voit les offensives des forces paramilitaires s’intensifier. Un front que la prise d’El-Fasher avait presque éclipsé ces derniers jours.
La région du Kordofan, administrativement divisée en Kordofan Nord, Sud et Ouest, «sera probablement le prochain théâtre des opérations militaires des deux camps», avait averti la semaine dernière Martha Pobee, secrétaire générale adjointe de l’ONU pour l’Afrique. En réaction à l’avancée des combats, plus de 36 000 civils soudanais ont fui villes et villages. Cette région si convoitée est stratégique : pour l’armée régulière soudanaise, il s’agit de sécuriser ses axes routiers clés reliant le centre du pays au Darfour, à l’ouest. En face, les paramilitaires cherchent à contrôler la région afin d’y installer leur gouvernement alternatif.
La guerre civile qui ravage le Soudan depuis plus de deux ans a éclaté le 15 avril 2023. Elle voit s’affronter deux acteurs qui s’étaient partagé le pouvoir après la chute du dictateur Omar el-Béchir, renversé en 2019. D’une part, l’armée soudanaise, avec à sa tête le général Abdel Fattah al-Burhane, et d’autre part, les RSF, une unité paramilitaire dissidente dirigée par le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemetti.
Nouvelle ligne de front
Dans cette guerre, les fronts sont mouvants. Au Kordofan, l’objectif militaire des deux camps est le contrôle d’El-Obeid, capitale de l’Etat du Kordofan Nord, actuellement aux mains de l’armée. Autour de cette ville carrefour, les combats font rage. Ces jours-ci, les RSF ont lancé une offensive majeure sur Bara, à 300 kilomètres de Khartoum et 60 kilomètres d’El-Obeid. La route de Bara est un corridor stratégique, qui relie Khartoum au Kordofan et au Darfour.
«Aujourd’hui, toutes nos forces ont convergé sur le front de Bara», a confirmé un membre des RSF dans une vidéo diffusée dimanche 2 novembre par les paramilitaires. Le contrôle de Bara pourrait leur conférer la domination d’une artère vitale d’approvisionnement et de communication, permettant le déplacement de troupes et de matériel entre le centre et l’ouest du Soudan.
«Motivation ethnique»
Le Darfour et Kordofan comptent de nombreuses ethnies non-arabes, souvent ciblées par les paramilitaires. Martha Pobee, dans ses déclarations de la semaine dernière, a pointé du doigt des «représailles à motivation ethnique» commises par les RSF à Bara, évoquant des schémas similaires à ceux observés au Darfour, où les RSF sont accusées de massacres, de violences sexuelles et d’enlèvements visant les communautés non arabes.
Dans un communiqué célébrant leur victoire sur El-Fasher, les RSF ont qualifié leur bataille d’«épopée héroïque», se félicitant d’avoir infligé de lourdes pertes aux forces armées et aux milices alliées. «La libération de Bara représente une étape importante vers la prise de contrôle totale d’autres zones vitales dans toute la région du Kordofan», poursuit le communiqué.
Depuis 2023, cette guerre fratricide qui oppose militaires aux paramilitaires a causé des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l’ONU. L’ONG Acled, qui répertorie les victimes de conflits à travers le monde, rapporte que le mois d’octobre 2025 a été le plus meurtrier pour les populations civiles depuis le début du conflit.