Menu
Libération
Hirak

Les étudiants algériens encore nombreux dans les rues d’Alger malgré le Covid et la police

Le Hirak, un printemps algériendossier
Plusieurs dizaines d’étudiants se sont rassemblés mardi dans la capitale algérienne, malgré l’interdiction de manifester et une imposante présence policière, au lendemain d’importantes manifestations pour le second anniversaire du soulèvement populaire.
Ce lundi, dans les rues d'Alger. (Anis Belghoul/AP)
publié le 23 février 2021 à 19h07

Ils reprennent leurs habitudes. Avant l’interruption des marches hebdomadaires du Hirak il y a un an, en raison du Covid-19, les étudiants algériens défilaient chaque mardi. Ils avaient promis de revenir «en force» dans la rue cette semaine. Promesse tenue, ce mardi, au lendemain d’importantes manifestations dans la capitale et à travers l’Algérie pour le second anniversaire du Hirak.

Plusieurs dizaines d’entre eux se sont rassemblés à Alger, malgré l’interdiction de manifester et une imposante présence policière. Dès les premières heures de la matinée, des camions de la police avaient pris position à proximité des principales places du centre de la capitale, notamment la place des Martyrs, au pied de la célèbre Casbah, point de départ de la marche hebdomadaire des étudiants jusqu’en mars 2020.

Interpellations violentes

Malgré les cordons policiers, des dizaines d’étudiants et de militants ont réussi à parcourir quelques centaines de mètres jusqu’au théâtre national, aux cris de «Nous sommes des étudiants et pas des terroristes», «Pour une presse libre et une justice indépendante» ou encore «Algérie libre et démocratique». En plus des tentatives répétées de stopper les marches estudiantines, le dispositif policier en place n’autorisait pas les personnes sans cartes étudiantes à rester manifester, selon des journalistes d’Interlignes présents sur place.

Square Port-Saïd, les étudiants, bloqués par les forces de l’ordre, ont notamment tenu un sit-in mouvementé pendant plus d’une heure. La progression de la marche, dont l’itinéraire a été modifié au gré des cordons de police, a été stoppée non loin de la Faculté centrale d’Alger. La police a ensuite évacué les manifestants vers une station de bus réservée aux étudiants avant de les forcer à quitter le centre-ville.

Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), la police a interpellé trois étudiants et cinq activistes du Hirak. Un nombre à additionner à la trentaine de personnes arrêtées, parfois violemment, la veille dans la capitale (une soixantaine dans l’ensemble du pays).

Déclenché le 22 février 2019, le Hirak, mouvement pacifique de protestation populaire inédit, avait poussé le président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis deux décennies, à la démission deux mois plus tard, après qu’il eut été lâché par l’armée. Interrompu par la pandémie, le mouvement a toutefois continué de réclamer le démantèlement du «système» en place depuis l’indépendance en 1962, synonyme à ses yeux d’autoritarisme et de corruption.

Aucun changement majeur

Le régime – le président Abdelmadjid Tebboune en tête – rend régulièrement hommage au «Hirak authentique béni». Il considère toutefois que ses revendications ont été satisfaites «dans des délais records» et qualifie aujourd’hui ses partisans de «magma contre-révolutionnaire». Amnesty International a critiqué «une stratégie délibérée des autorités algériennes visant à écraser la dissidence» ces deux dernières années, malgré le caractère pacifique des marches.

L’anniversaire, lui, survient au lendemain d’une série de décisions du président Tebboune, qui s’efforce de reprendre l’initiative après une longue hospitalisation en Allemagne, face à une triple crise politique, économique et sanitaire. Jeudi, le chef de l’Etat a décrété une grâce en faveur d’une soixantaine de détenus d’opinion, dans un geste d’apaisement. Depuis, près de 40 prisonniers ont été libérés, dont l’opposant Rachid Nekkaz et le journaliste Khaled Drareni, devenu un symbole du combat pour la liberté de la presse.

Comme promis, Abdelmadjid Tebboune a aussi procédé dimanche à un remaniement du gouvernement. Très attendu, il n’a apporté aucun changement majeur. Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, pourtant critiqué, reste à son poste ainsi que les détenteurs de ministères régaliens comme celui de la Justice où Belkacem Zeghmati, symbole de la lutte anticorruption mais aussi de la répression judiciaire continuera d’officier.

Abdelmadjid Tebboune a également dissous dimanche l’Assemblée nationale, chambre basse du Parlement, ouvrant comme prévu la voie à des législatives anticipées dans les six mois. Aucune date n’a encore été fixée pour le scrutin, mais la classe politique mise sur le mois de juin.