«Si on frappe, c’est pour que les familles paient. C’est la règle.» Assis sur un muret d’un immeuble vétuste à Sfax, Steph ne comprend pas les accusations d’enlèvements et de violence à l’égard des migrants subsahariens. «On les a transportés jusqu’ici sans encombre, ça ne se fait pas gratuitement», poursuit le Camerounais, qui se rêve rugbyman professionnel en Europe. En attendant, «la machine de l’Ouest», son surnom sur les terrains, joue le guetteur pour des réseaux de trafiquants qui ont privatisé le bâtiment, situé dans le quartier populaire d’Ennour dans le sud de Sfax, la deuxième ville de la Tunisie et haut lieu de départ vers l’Europe. Sur le toit, d’autres Subsahariens surveillent les rues.
Lorsque la police débarque, Steph et ses collègues ont ordre de faire monter les centaines de résidents – locataires subsahariens traditionnels, prisonniers et bourreaux – sur le toit : «On menace de sauter, ça dissuade les policiers d’entrer.» Dans la rue adjacente, un épicier compte par dizaines les interventions policières dans l’immeuble ces derniers mois, «mais ça ne change rien. Les “clochards” sont toujours là». Alors que les détenus pensaient négocier avec des passeurs classiques une place dans une embarcatio