Pour tenter de se remettre sur pied après les inondations dévastatrices, l’Espagne peut compter sur le soutien sans faille de son allié marocain. Depuis plusieurs jours, pas moins de 70 secouristes marocains se relaient pour déblayer la province de Valence, durement frappée par les pluies torrentielles qui, le 29 octobre, ont causé la mort de 227 personnes. Leur mission principale : évacuer les tonnes de boue et de déchets accumulés lors de la catastrophe. La région, située sur la côte est de l’Espagne, offre désormais un spectacle de désolation, semblable à un champ de ruines. Les autorités espagnoles estiment à 22 milliards d’euros l’impact économique de ces inondations inédites. Le coût de la reconstruction est tout aussi exorbitant : plus de 31 milliards d’euros.
«Fraternité entre les deux peuples»
Face à cette tragédie, l’une des pires catastrophes naturelles en Europe ces dernières années, le Maroc a été l’un des premiers à proposer son aide. Dès le 30 octobre, le roi Mohammed VI a ordonné à son ministre de l’Intérieur de contacter son homologue espagnol pour lui assurer que le royaume était «pleinement disposé» à fournir tout le soutien nécessaire. Les deux convois marocains ont finalement atteint la péninsule ibérique les 13 et 16 novembre.
L’aide comprend 37 camions-citernes et 70 sauveteurs de la protection civile, qui interviennent dans les communes les plus touchées (Massanassa, Paiporta, Alcúdia, Sédaví…) pour aider les habitants à surmonter cette épreuve et redonner vie à leur territoire. La solidarité marocaine a été saluée par les autorités espagnoles, qui ont souligné l’«engagement exceptionnel» du royaume «en faveur de l’amitié et de la fraternité entre les deux peuples». Les contingents marocains ont été rejoints par une centaine de militaires venus de France et du Portugal avec des engins d’extraction et des pelleteuses. Pour se relever des inondations, l’Espagne a dû se résoudre à lancer un appel à la solidarité européenne en activant le mécanisme de protection civile de l’UE.
«Cause nationale»
Cette importante mobilisation marocaine reflète le réchauffement diplomatique amorcé entre Madrid et Rabat en mars 2022. A la surprise générale, l’Espagne avait décidé de sortir de sa position traditionnellement neutre sur l’épineux dossier du Sahara-Occidental en reconnaissant la souveraineté marocaine sur ce territoire disputé. Considéré comme une «cause nationale» dans le royaume, le Sahara-Occidental est devenu «le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international», selon Mohammed VI. Les partenaires du Maroc dont les positions sur le sujet sont «ambiguës» doivent «clarifier ou revoir le fond de leur positionnement, d’une manière qui ne prête à aucune équivoque».
Cette reconnaissance, très attendue sur l’autre rive de la Méditerranée, a permis de relancer la coopération avec son voisin espagnol, l’un de ses premiers partenaires commerciaux et acteur clé dans la lutte contre le terrorisme et l’immigration illégale. En avril 2021, l’hospitalisation à Logroño de Brahim Ghali, leader du Front Polisario, avait été perçue par Rabat comme une prise de position implicite en faveur des militants pour l’indépendance du Sahara-Occidental. Dans ce climat orageux, près de 10 000 migrants marocains avaient traversé la frontière entre le royaume et l’enclave espagnole de Ceuta – un mouvement perçu comme une mesure de représailles de la part de Rabat.
Avec ce sursaut d’entraide, le royaume entend aussi rendre la pareille à son allié. En septembre 2023, après le puissant séisme du Haut-Atlas, qui a coûté la vie à près de 3 000 personnes, l’Espagne avait envoyé des équipes de secours, de l’aide humanitaire et du personnel médical pour soutenir les rescapés. Rabat n’avait alors accepté l’aide proposée de seuls quatre «pays amis» : le Qatar, les Emirats arabes unis, le Royaume-Uni et l’Espagne. Celle de la France n’avait pas été retenue. Le revirement de Paris, qui s’est à son tour aligné sur la position marocaine cet été, pourrait changer la donne en cas de future catastrophe naturelle.