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Reportage

«Je brûle de montrer leur terre d’origine à mes enfants» : entre la RDC et le Rwanda, des «retournés» marqués par la peur et l’espoir

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Trente ans après le génocide, des milliers de Rwandais rentrent au pays, poussés par la rébellion du M23 qui gagne du terrain dans l’est du Congo. En sens inverse, le groupe armé encourage les Tutsis congolais installés au Rwanda à retraverser la frontière.

Espérance Pfikije, une Rwandaise de 60 ans réfugiée au Congo, est revenue dans son pays d'origine en septembre. (Michiel Robberecht/Libération)
ParCélian Macé
envoyé spécial au Rwanda
Publié le 29/10/2025 à 19h49

Des fantômes dans la nuit. Pris, l’espace d’une seconde, dans les phares de la voiture balayant les bananiers au gré des secousses de la piste défoncée : cinq silhouettes en file indienne, courbées sous le poids de leur sac géant sur le dos, qui galopent entre les champs. Des contrebandiers venus du Congo voisin. La frontière est toute proche, là, derrière les collines, quelques centaines de mètres tout au plus. Trente ans après le génocide des Tutsis au Rwanda, cette ligne de séparation entre les deux pays – qu’avaient franchie l’armée et les tueurs du régime génocidaire en déroute, en 1994, avec des millions de citoyens hutus dans leur sillage ; puis, dans l’autre sens, des centaines de milliers de Tutsis congolais craignant pour leur vie – est retraversée par les réfugiés. Un double mouvement de retour qui charrie son lot d’espoir et de peur, après trois décennies d’exil et de propagande.

«C’est la guerre, encore et encore, qui m’a poussée à revenir ici», dit Espérance Pfikije, 60 ans. Cela fait tout juste une semaine que la cultivatrice, Rwandaise exilée en république démocratique du Congo (RDC), est rentrée dans son village de Busasamana, dans le district frontalier de Rubavu – quelques kilomètres au nord de l’apparition des contrebandiers fantômes. Personne n’attendait Espérance. Sa maison n’existe plus. Avec sa petite-fille, Yvette, 10 ans, elle a été accueillie par un neveu, qui exerce le métier de transporteur à vélo. «Je ne la connais pas, avoue l’épou