La plus grande victoire d’Epiphanie Nodjikoua Dionrang est sans conteste la parole. Pour une slameuse, on pourrait convenir que c’était presque écrit d’avance. Mais pour la présidente de la Ligue tchadienne des droits des femmes qu’elle est, c’est une réussite dont elle savoure chaque jour un peu plus l’importance. «Au Tchad on part de tellement loin en matière de violences faites aux femmes», dit-elle d’emblée. «Les hommes ne nous considèrent pas, tout est tabou et on n’existe pas.» Le pays est parmi les derniers au monde en termes d’égalité de genre, selon l’ONU. La société, patriarcale et coutumière, impose le silence en cas de violences.
«Alors si on peut mettre dans la tête des gens qu’une femme a des droits, qu’elle peut prendre la parole si elle se fait violer, et que les bourreaux peuvent finir en prison, on aura tout gagné», dit Epiphanie Nodjikoua Dionrang, 33 ans, longue robe jaune pétard, deux portables qui ne cessent de vibrer posés sur la table. Elle a créé la Ligue en 2020. L’association, d’abord une réunion d’amies, est venue s’inscrire dans un paysage associatif existant ; mais elle en a bousculé tous les codes en investissant les réseaux sociaux. «Nous sommes une génération nouvelle, il faut profiter de la vague mondiale de féminisme», explique la présidente. Les réseaux sociaux sont une maniè