Les boys ne sont plus bienvenus au Niger. Une délégation du Pentagone est arrivée à Niamey mercredi 15 mai pour discuter du plan de retrait des troupes américaines exigé par la junte nigérienne. Christopher Maier, adjoint au secrétaire à la Défense chargé des Opérations spéciales, a rencontré le général Salifou Modi, ministre de la Défense et pilier du régime. La délégation envoyée par Washington «est mandatée pour présenter» au Niger «le projet du plan de retrait» de ses militaires «en ordre, […] en toute sécurité, dans les meilleurs délais», affirme Niamey. Après les soldats français en décembre, c’est donc au tour des Américains de quitter le pays sahélien.
Les autorités nigériennes, issues du coup d’Etat du 26 juillet, avaient dénoncé en mars l’accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence des soldats américains était désormais «illégale». Mardi, dans une interview au Washington Post, le Premier ministre nigérien, Ali Mahaman Lamine Zeine, a affirmé que le Niger avait rompu sa coopération militaire en raison de «menaces» proférées par des officiels américains. Selon lui, Washington aurait menacé la junte de sanctions si le Niger signait un accord pour vendre l’uranium qu’il produit à l’Iran. Il a toutefois assuré que «rien» n’avait été signé avec Téhéran à ce sujet. «Premièrement, vous venez ici nous menacer dans notre pays. C’est inacceptable. Et vous venez nous dire avec qui nous pouvons avoir des relations, ce qui est également inacceptable. Et vous le faites avec un ton condescendant et un manque de respect», affirme avoir alors répondu Ali Mahaman Lamine Zeine à la secrétaire d’Etat adjointe aux affaires africaines, Molly Phee, en mars.
Importante base de drones
A Washington, le porte-parole de la diplomatie américaine, Vedant Patel, n’a pas démenti le fait que Molly Phee ait présenté à la junte un «choix». La diplomate a offert «un choix ancré dans nos convictions à l’égard des principes démocratiques et dans nos intérêts de sécurité nationale», a-t-il déclaré à la presse. Le porte-parole a affirmé que les Etats-Unis avaient décidé de retirer leurs troupes «de manière ordonnée et responsable» après être arrivés à la conclusion que les deux pays ne pouvaient parvenir à un accord de principe.
Le nombre de soldats américains au Niger est estimé à 650, auxquels s’ajoutent quelques centaines de contractuels. Les Etats-Unis disposent notamment d’une base de drones importante près d’Agadez (nord), la base aérienne 201, construite pour un coût de 100 millions de dollars. Elle permettait depuis 2019 aux drones et aéronefs américains de mener des missions de surveillance dans une vaste région aux frontières poreuses où prolifèrent les groupes armés, notamment jihadistes, ainsi que les trafics d’armes, de drogue et d’êtres humains. Les drones Reaper pouvaient ainsi survoler le territoire du Niger jusqu’aux confins de la Libye, du Tchad, du Nigeria, et du Mali, des pays qui disposent de capacités de surveillance aérienne limitées.
Rapprochement avec Moscou
Avant le putsch de juillet, des forces spéciales américaines intervenaient discrètement aux côtés de l’armée nigérienne contre les groupes jihadistes. Le 4 octobre 2017, quatre soldats américains et cinq militaires nigériens avaient été tués dans une embuscade du groupe Etat islamique à Tongo Tongo, un village de la région de Tillabéri dans la zone des «trois frontières», à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec le Mali. Les Etats-Unis menaient également des opérations de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, qui avaient repris en septembre 2023 mais uniquement à des fins de «protection des forces» américaines, selon le département de la Défense. Une petite partie des forces américaines est stationnée dans la base 101 de l’armée nigérienne, à Niamey, aux côtés d’autres contingents étrangers.
Une centaine de militaires russes sont arrivés au Niger le 10 avril. Depuis le coup d’Etat, le nouveau régime s’est rapproché de Moscou, tout comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des militaires et confrontés à des insurrections islamistes armées. Le 4 mai, de nouveaux «instructeurs» russes ont atterri à Niamey, où ils ont effectué deux livraisons de matériel militaire dans deux avions-cargos, a annoncé la télévision publique nigérienne. Le groupe Africa Corps, perçu comme le successeur de la société paramilitaire Wagner en Afrique, avait confirmé son arrivée dans le pays. L’agence de presse russe Ria Novosti a indiqué qu’un «cargo humanitaire de Russie était arrivé au Niger», décrivant un «déchargement de nourriture et de produits de première nécessité devant les murs de la base où l’armée américaine stationne toujours».