Menu
Libération
Guerre

Au Soudan, les combats continuent, les Occidentaux évacuent

Alors que se succèdent les opérations d’évacuation de ressortissants occidentaux, le convoi français aurait été pris pour cible, faisant un blessé par balle. Les combats sanglants entre l’armée régulière et les paramilitaires du FSR entament leur deuxième semaine.

Un convoi quittant Khartoum vers Port-Soudan, le 23 avril 2023. (Abubakarr Jalloh/AFP)
ParBenjamin Delille
Correspondant à Washington
Publié le 23/04/2023 à 9h36, mis à jour le 23/04/2023 à 21h33

C’est un véritable sauve-qui-peut. Depuis une semaine, les combats acharnés qui déchirent les rues de Khartoum se font dans l’opacité la plus totale. Des progressions de l’armée soudanaise ou des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), nous n’avons que des idées floues. On sait simplement, grâce aux quelques témoignages qui nous arrivent, que les tirs nourris résonnent jour et nuit, que les explosions viennent toujours interrompre les maigres espoirs de trêves. «Rester est devenu intenable. C’est une décision atroce, confiait tristement la politologue soudanaise Kholood Khair ce dimanche matin alors qu’elle quittait la capitale, en partie privée d’eau courante et d’électricité. Quand reviendrai-je ?» Comme elle, des milliers de personnes prises entre deux feux fuient les combats comme elles peuvent, dans un chaos indescriptible, au cœur duquel les chancelleries arabes et occidentales ont essayé ce week-end d’évacuer leurs ressortissants.

En témoigne la complexe opération d’évacuation française, annoncée ce dimanche 23 avril. Après un communiqué inquiétant des FSR annonçant un accrochage du convoi, qui inclut des ressortissants européens et africains, un officiel occidental en contact avec les forces spéciales françaises confirme au New York Times qu’ils ont effectivement été pris pour cible, qu’une personne a été blessée par balle, et recevrait actuellement des soins médicaux. Selon les paramilitaires, qui assurent avoir escorté le convoi, celui-ci aurait été visé par «des avions» de l’armée régulière, «en passant par Bahri vers Omdurman», au nord de la capitale, Khartoum. L’officiel cité anonymement par le quotidien américain précise que le convoi s’est retiré dans un hangar d’un aérodrome militaire en attendant de pouvoir reprendre l’évacuation.

Le ministère des Affaires étrangères refuse de commenter un éventuel accrochage. Une source diplomatique, qui précise qu’il y a environ 250 Français qui vivent au Soudan, parle d’une «opération d’une extrême complexité». Deux avions avec une centaine de personnes à leur bord ont pu décoller de Khartoum à environ deux heures d’intervalle pour Djibouti où se trouve une base française. Mais l’évacuation totale pourrait se prolonger pour encore 24 à 48 heures. Cette même source assure que les forces armées soudanaises tout comme les paramilitaires des FSR, contre qui elles se battent, avaient «apporté des garanties de sécurité» permettant cette opération. Mais depuis hier et le début des évacuations de ressortissants occidentaux, les deux factions qui s’opposent s’accusent mutuellement d’entraver les opérations.

Personnel diplomatique américain évacué

Comme pour rajouter à l’opacité, le pays a par ailleurs subi une panne d’internet «quasi totale» ce dimanche selon NetBlocks, une organisation basée à Londres qui surveille l’accès au web dans le monde entier. Les violences, qui ont éclaté le 15 avril à Khartoum et dans la région du Darfour (ouest), ont fait des centaines de morts et des milliers de blessés, selon l’Organisation mondiale de la Santé. Elles opposent le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane et son ancien numéro 2 avec qui il avait pris le pouvoir lors du coup d’Etat d’octobre 2021, le général Mohamed Hamdane Daglo, dit Hemetti, à la tête des paramilitaires du FSR. Les tensions étaient palpables depuis plusieurs mois, et ont éclaté alors que se posait la question d’intégrer les FSR à l’armée, à quelques jours seulement d’une transition prévue du pouvoir aux civils.

Malgré ces difficultés, plusieurs pays ont annoncé qu’ils sont parvenus à évacuer leurs ressortissants. La route qui relie Khartoum à Port-Soudan, principale porte de sortie maritime du Soudan, a vu défiler toutes sortes de SUV, pick-up et minibus blancs, certains arborant des drapeaux onusiens. A partir de samedi, c’est par là qu’ont été évacués 91 citoyens saoudiens et 66 ressortissants de 12 autres pays. Le même jour, les Etats-Unis ont utilisé trois hélicoptères CH-47 Chinook pour évacuer un «peu moins d’une centaine» de personnes de leur ambassade, dont plusieurs diplomates étrangers, en attendant d’évacuer le reste de leurs ressortissants au Soudan, pas encore prévu «pour le moment» selon John Bass, haut responsable du département d’Etat. Les Britanniques, par la voix de leur Premier ministre Rishi Sunak, disent avoir «procédé à une évacuation complexe et rapide» de leurs diplomates et de leurs familles, mobilisant pas moins de 1 200 militaires.

A l’image de la France, d’autres pays disent pour l’instant avoir engagé l’évacuation de leurs ressortissants sans l’avoir totalement menée à bien. C’est le cas de l’Allemagne, de l’Italie, qui assure prendre en charge plusieurs citoyens suisses, ou encore de la Turquie qui a dû repousser ses opérations à cause d’une explosion près d’une mosquée désignée comme un point de rassemblement. Le gouvernement indien, dont deux avions militaires attendant à Djeddah, et un navire de guerre à Port-Soudan, parle d’une situation particulièrement «volatile». Le pape François a appelé au «dialogue» face la «grave» situation au Soudan lors de sa traditionnelle prière dominicale en public place Saint-Pierre.

Mis à jour à 11 h 15 avec un incident sur le convoi français selon les FSR.

Mis à jour à 13 h 20 avec une source officielle qui confirme au «New York Times» que le convoi français a été pris pour cible.

Mis à jour à 14 h 45 avec l’évacuation réussie des ressortissants britanniques.

Mis à jour à 17 h avec un premier avion français qui a décollé vers Djibouti.

Mis à jour à 21h avec l’atterrissage du deuxième avion français.