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Désertification

La Grande Muraille verte en Afrique, un mirage sans cesse repoussé

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L’Ivoirien Alain-Richard Donwahi, président du dernier sommet de l’ONU sur la désertification, a annoncé mercredi 12 juin que ce projet grandiose de reforestation, chéri par les chefs d’Etats et critiqué par les experts, était largement sous-financé et ne remplirait pas ses objectifs.
Vue aérienne de la forêt de mangroves dans le Parc national du delta du Saloum, au Sénégal. (mariusz_prusaczyk/Getty Images/iStockphoto)
publié le 12 juin 2024 à 18h23

Depuis cinquante ans, le projet de la Grande Muraille verte fait rêver les dirigeants (et les journalistes). Une ceinture d’arbres reliant le Sénégal à Djibouti, 8 000 kilomètres de végétation continue pour faire reculer le désert, bloquer les sables du Sahara et lutter contre la sécheresse qui ruine périodiquement les économies africaines. Qui resterait insensible devant ce merveilleux plan forestier, qu’on dirait tiré d’une bande dessinée fantastique ? Pourtant, dans le monde des acteurs du développement, la Grande Muraille verte suscite depuis des années des haussements de sourcils amusés. Voire des soupirs agacés. Ce serpent de mer, si séduisant sur le papier, n’est ni très pertinent, ni vraiment efficace, estiment les experts.

Dans son rapport spécial sur les terres émergées publié en 2020, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), s’était déjà montré très sceptique au sujet de la Grande Muraille verte. «Par le passé, des programmes de reforestation au Sahel et en Afrique du Nord lancés pour lutter contre la désertification ont été mal pensés et ont coûté beaucoup d’argent sans résultat significatif, mettaient en garde les auteurs du rapport. Malgré les premières actions concrètes sur le terrain, la réussite des objectifs est incertaine et sera difficile sans financement supplémentaire significatif.»

Le projet renaît sans cesse de ses cendres

Il n’empêche, la Grande Muraille verte renaît sans cesse de ses cendres. Ce projet fou est devenu officiellement un programme de l’Union africaine, qui a créé une très sérieuse Agence panafricaine de la Grande Muraille verte en 2010. Emmanuel Macron aime y faire référence, notamment au cours des «One Planet Summit» qu’il organise chaque année depuis 2017 pour mobiliser des financements de la transition écologique en direction du continent africain – les pays de la Grande Muraille verte comptent parmi les plus pauvres au monde.

«C’est un euphémisme de souligner que nous ne sommes pas en phase avec notre objectif commun d’achever le projet d’ici 2030», a pourtant rappelé Alain-Richard Donwahi, qui préside le sommet des Nations unies sur la désertification, mercredi 12 juin. La Grande Muraille verte nécessiterait au moins 33 milliards de dollars (environ 30 milliards d’euros) supplémentaires pour atteindre son objectif (la restauration de 100 millions d’hectares de terre), a-t-il annoncé à l’agence Reuters en marge de la conférence de Bonn sur le changement climatique. Les donateurs internationaux ont promis quelque 19 milliards de dollars lors d’un précédent sommet, en 2021, mais seuls 2,5 milliards de dollars auraient été versés à ce jour. La Grande Muraille verte devrait rester, pour longtemps encore, un simple rêve de papier.