C’est une fenêtre sur la guerre qui se déroule actuellement au Mali. Une fenêtre minuscule, certes fragmentaire, mais une fenêtre quand même. Elles sont devenues si rares depuis le double coup d’Etat survenu en 2021 que celle que propose Arte Reportage, ce samedi 28 juin, mérite d’être signalée. Après la prise de pouvoir des colonels, les journalistes occidentaux (français, en général) ont été mis dehors. Les visas se sont taris. Les journalistes maliens, eux, sont soumis à une implacable censure, les voix discordantes ont été emprisonnées ou contraintes à l’exil.
La guerre au Mali, qui a occupé les médias français pendant près d’une décennie (tant que l’armée française y était déployée), ne passe plus au journal télévisé de 20 heures. Elle continue pourtant de faire rage. Aux côtés de l’armée malienne, les mercenaires russes de la compagnie Wagner ont pris la place des soldats français. Ses combattants sont réputés pour leur brutalité. Leurs crimes – exécutions sommaires, tortures, pillages – ont été largement documentés, par Libération comme par d’autres. Ce mois-ci, les Wagner ont été remplacés par les hommes du groupe paramilitaire Africa Corps, plus étroitement contrôlé par Moscou.
Sur le terrain, l’armée malienne et ses supplétifs russes ont deux ennemis déclarés, qu’ils englobent sous le même qualificatif de «terroristes» : les jihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim, affilié à Al-Qaeda) et de l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS), qui contrôlent une grande partie des zones rurales du nord et du centre du pays ; et les rebelles indépendantistes du Front de libération de l’Azawad (FLA). Ce sont ces combattants originaires du nord du Mali, aux velléités séparatistes, que filme Anne-Fleur Lespiaut dans la Résistance contre Wagner.
La journaliste, spécialiste du Sahel, a suivi une unité de ces rebelles touaregs en opération dans le désert du Sahara malien, offrant en images un aperçu inédit de leur quotidien. Les combattants enturbannés, qui franchissent les frontières de sable sans encombre, s’adaptent à la guerre moderne. Ils ont appris à se cacher des drones. Ils apprennent surtout à piloter les leurs (confirmant au passage, pour l’un d’entre eux, avoir été formé en Ukraine). Face à la caméra, les rebelles ne s’épanchent pas sur leurs motivations. Il n’est pas beaucoup question d’idéologie dans la Résistance contre Wagner, mais davantage de défense d’une communauté menacée, voire de vengeance pure et simple.
On y voit un village fantôme, abandonné par ses habitants après une frappe aérienne de l’armée malienne. On y voit un éleveur réfugié en Mauritanie traverser la frontière avec la peur au ventre, chaque mois, pour aller surveiller son bétail. On y voit un ex-enfant soldat de 15 ans quitter sa femme pour retourner au front. Et on devine une guerre qui perdurera encore de nombreuses années.