La justice sud-africaine a annoncé, ce lundi 2 juin, rouvrir l’enquête sur les homicides volontaires de quatre militants anti-apartheid commis en 1985 par une unité spéciale de la police. Ces crimes, plus connus sous le nom des «meurtres de Cradock», demeurent parmi les événements les plus connus et les plus sombres de l’apartheid, encore jamais élucidés. Les familles des victimes accusent notamment le gouvernement post-apartheid d’avoir volontairement empêché l’affaire d’aller devant les tribunaux, alors qu’aucune personne n’a encore été traduite en justice.
En 1985, les enseignants Fort Calata, Matthew Goniwe, Sicelo Mhlauli et l’ouvrier ferroviaire Sparrow Mkonto avaient été enlevés puis tués alors qu’ils rentraient chez eux après une réunion politique, dans la ville de Cradock, au sud du pays. «Après 40 ans, les familles attendent toujours justice et vérité», a déclaré à la cour l’avocat Howard Varney, représentant les proches des quatre hommes, dans sa déclaration d’ouverture.
«Nous avons l’intention de démontrer que la mort des quatre de Cradock est le fruit d’une décision calculée et préméditée du régime de l’apartheid, prise au plus haut niveau du système de sécurité de l’Etat», a poursuivi Howard Varney devant le tribunal dans la ville de Gqeberha, dans la province du Cap-Oriental, située dans le sud du pays.
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La commission Vérité et réconciliation, chargée de faire la lumière sur les crimes politiques commis sous l’apartheid, avait en effet refusé l’amnistie à six hommes impliqués dans les «meurtres de Cradock». Ce refus les exposait donc à des poursuites. Néanmoins, les autorités post-apartheid n’ont jamais pris aucune mesure en ce sens, a déploré l’avocat.
Si cela peut s’expliquer par un «mélange toxique d’inaction, d’indifférence, d’incapacité ou d’incompétence», les familles estiment aussi que «des forces politiques sont intervenues pour empêcher les procédures d’avancer», a-t-il ajouté.
«Une dernière chance pour les familles»
«Cette enquête est probablement la toute dernière chance pour les familles d’obtenir une forme de vérité. Elles ne méritent rien de moins qu’un examen complet et honnête du passé», a poursuivi l’avocat. Il s’agit de la troisième enquête ouverte sur les «meurtres de Cradock», survenus au plus fort de la répression exercée par le régime de la minorité blanche contre les militants anti-apartheid.
Des accusations de retards délibérés dans les poursuites liées aux crimes de l’époque de l’apartheid ont par ailleurs conduit le président Cyril Ramaphosa à mettre en place une commission judiciaire en avril dernier. Quelques mois plus tôt, en janvier, 25 familles de victimes et de survivants de crimes commis sous l’apartheid, dont celles des «meurtres de Cradock», avaient annoncé qu’elles poursuivaient l’Etat en justice pour son «échec manifeste» à enquêter et poursuivre les responsables.