L’affaire avait secoué le pays en 2012. Le cadavre d’Agnes Wanjiru – jeune mère de 21 ans – avait été découvert dans la fosse septique d’un hôtel à Nanyuki, près d’un camp d’entraînement de l’armée britannique dans le centre du Kenya. Alors que le drame avait fait grand bruit à l’époque, il n’a jusqu’ici débouché sur aucune arrestation. Mais ce mardi – treize ans plus tard – le juge de la Haute Cour de Nairobi Alexander Muteti a estimé qu’il existait «un motif probable d’ordonner l’arrestation de l’accusé et sa remise au tribunal pour être jugé». Le suspect ? Un «citoyen et résident du Royaume-Uni», a précisé le magistrat, sans mentionner qu’il s’agissait d’un militaire.
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Si le gouvernement britannique s’est dit «absolument déterminé à aider» la famille de la victime à «obtenir justice», il s’est refusé à toute autre déclaration liée aux procédures judiciaires en cours. Le Bureau kényan du directeur des poursuites publiques a quant à lui annoncé sur X qu’une procédure d’extradition sera engagée.
Longue haleine
La dernière fois qu’Agnes Wanjiru avait été vue vivante, c’était avec un soldat britannique : son corps n’a ensuite été découvert que deux mois après sa disparition. Il faudra attendre 2021 – après des années de tergiversations – pour que la police kényane relance l’enquête à la suite de révélations du Sunday Times. L’hebdomadaire britannique avait recueilli plusieurs témoignages de militaires affirmant que le soldat en question avait le soir même avoué à ses camarades avoir tué Agnès Wanjiru. Dans la foulée, le meurtre aurait été dénoncé auprès de la hiérarchie militaire… sans suites.
Le mandat d’arrêt émis ce mardi par le Kenya redonne espoir aux proches de la victime. «En tant que famille, nous sommes très heureux, car cela dure depuis de nombreuses années, mais maintenant, nous constatons qu’un pas a été franchi», a commenté à l’AFP la sœur de la victime, Rose Wanyua Wanjiku.
«Des décennies d’impunité»
Depuis l’indépendance du Kenya en 1963, l’ancienne puissance coloniale britannique a conservé une base dans les faubourgs de Nanyuki, à 200 kilomètres au nord de Nairobi. Si la présence de cette unité de formation de l’armée britannique au Kenya (Batuk) alimente l’économie locale, elle a également été source de controverses. En 2003, l’ONG de défense des droits humains Amnesty International affirmait avoir répertorié 650 accusations de viol contre des soldats britanniques au Kenya entre 1965 et 2001, et dénonçait des «décennies d’impunité». La question de la compétence de la loi kényane sur les soldats britanniques qui l’enfreignent a été l’objet de plusieurs différends entre Londres et Nairobi.