C’est l’un des rares documents dédiés au règne de Mohammed VI. Ce samedi soir à 21 heures, la chaîne d’information Public Sénat diffuse un documentaire de 52 minutes intitulé le Parcours d’un roi. Le Maroc de Mohammed VI. Réalisé par les journalistes Yves Derai et Michaël Darmon, le film plonge les téléspectateurs dans la plus ancienne monarchie exécutive du monde à travers des documents d’archives et des témoignages de personnalités politiques marocaines et françaises qui ont côtoyé le souverain au cours de ses vingt-cinq années au pouvoir.
«Le roi des jeunes»
«Qui est ce monarque que l’on dit secret ?» «Comment a-t-il fait pour transformer le royaume en puissance africaine ?» «Pour son peuple, est-ce un miracle ou un mirage ?» s’interrogent d’emblée les journalistes, qui tentent de répondre à ces questions à travers plusieurs chapitres. Le premier est consacré à la distanciation de Mohammed VI avec le style de gouvernance de son père, Hassan II. Lorsqu’il monte sur le trône en 1999, à seulement 36 ans, il est décrit comme «le roi des jeunes», qui rompt avec certains codes du protocole traditionnel de la monarchie. Dès l’enfance, son tempérament ressemble davantage à celui de son grand-père, Mohammed V, décédé en 1961. Une enseignante qualifie le jeune héritier comme d’«enfant très gentil, très attachant, qui n’est ni prétentieux ni orgueilleux». A l’époque, il rêve de devenir pilote d’avion.
Discret ou secret ? Le nouveau roi du Maroc se distingue aussi par son absence de la scène médiatique. Il n’a quasiment accordé aucun entretien à la presse, que ce soit dans le royaume ou à l’étranger. Le fondateur de la radio privée «Hit Radio», Younes Boumehdi, confie qu’il n’a même jamais osé faire une demande officielle pour obtenir une interview. Les journalistes et les observateurs le savent : «On ne parle jamais du roi en lui-même, on ne le met jamais en adéquation», selon une formule de son entourage. Le monarque s’adresse ainsi aux 37 millions de Marocains à travers des discours fleuves, sans prompteur. Ceux qu’ils donnent lors de la traditionnelle fête du Trône, chaque été, sont particulièrement attendus.
Soft power
Sur le plan économique, Mohammed VI est considéré comme «un roi modernisateur» qui a réussi à hisser son pays au rang de cinquième puissance africaine, avec un PIB qui vient de franchir les 140 milliards de dollars, poursuit le documentaire. Au cours des deux dernières décennies, le royaume a connu une transformation significative de ses infrastructures (port de TangerMed, autoroutes, lignes de TGV, aéroports). Au Maghreb, le Maroc, qui a accueilli la COP 22 à Marrakech en 2016, est aussi devenu un leader des énergies renouvelables. Un pari «qui nous avait considérablement rapprochés», se souvient l’ex-président français François Hollande. Une croissance à marche forcée qui a néanmoins accru les inégalités. Le puissant séisme du 8 septembre 2023, qui a causé la mort de 3 000 personnes dans la région montagneuse et reculée du Haut-Atlas, a particulièrement illustré ces disparités. Les femmes, elles aussi, restent «lésées par une législation patriarcale» même si Mohammed VI a réalisé des avancées en matière des droits des femmes, notamment grâce à une réforme du code de la famille, en 2004.
Le commandeur des croyants, considéré comme le descendant du prophète Mahomet par des millions de musulmans, a également misé sur le soft power, à travers le sport, la culture et le tourisme. Le Maroc, qui est devenu en 2022 la première équipe africaine à atteindre les demi-finales d’une Coupe du monde de football, a été choisi pour accueillir la Coupe d’Afrique des nations en 2025. Il coorganisera également la Coupe du monde de 2030, aux côtés de l’Espagne et du Portugal.
Le dossier du Sahara-Occidental omniprésent
Le film raconte enfin comme le royaume chérifien est devenu un acteur incontournable sur la scène internationale. Outre ses relations historiques avec les Occidentaux, Mohammed VI pose volontiers avec des dirigeants comme Vladimir Poutine, Xi Jinping ou Narendra Modi. Le dossier du Sahara-Occidental est devenu le «prisme» à travers le Maroc considère son environnement international. Rabat a d’ailleurs accepté de normaliser ses relations diplomatiques avec Israël en échange de la reconnaissance par les Etats-Unis de la «marocanité» de ce territoire disputé. Le documentaire omet néanmoins de mentionner la position des indépendantistes du Front Polisario, qui revendiquent leur droit à l’autodétermination sur cette bande de sable de 266 000 km². De même que la répression contre la dissidence ou les entraves à la liberté d’expression documentées par les organisations de défense des droits humains.
Près de 80 Etats membres des Nations unies sont aujourd’hui alignés sur la position marocaine sur le Sahara-Occidental. «Si la monarchie abandonne le Sahara, la monarchie ne tient pas», explique aux journalistes François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique et fin connaisseur du royaume. Il révèle ce que le roi dit aux dirigeants étrangers à propos de ce dossier : «Si vous êtes avec moi, il ne faut pas faire comme les Français. Il faut faire comme les Espagnols, les Allemands et les Américains, à savoir que le plan d’autonomie marocaine est LA solution la plus crédible.» Après des années de turbulences, Paris a donc franchi le cap en juillet. Un art diplomatique que Mohammed VI tentera de transmettre à son fils, le prince héritier Moulay El Hassan.