Le Congrès national africain (ANC), parti au pouvoir depuis trente ans en Afrique du Sud, se dirige vers un revers électoral historique. Vendredi 31 mai au soir, alors que 70 % des votes avaient été comptabilisés par la commission électorale, il avait recueilli moins de 42 % des voix. Ce samedi matin, avec le dépouillement de 97,7% des bureaux de vote, le parti historique atteint seulement 40,1% des voix. Si cette tendance se confirme, la formation de Nelson Mandela, qui a remporté toutes les élections législatives depuis la fin de l’apartheid en 1994, perdrait pour la première fois sa majorité absolue à l’Assemblée. Tout en restant le premier parti sud-africain, l’ANC sera donc contraint de trouver des alliés pour construire une majorité parlementaire.
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Ses options sont limitées. Le plus grand parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), naviguait vendredi autour de 22 % des suffrages exprimés. Ce parti libéral promet d’éradiquer la corruption et de «sauver» le pays à coups de privatisations et dérégulations. Même s’il n’a pas fermé la porte à une coalition avec l’ANC, son patron, John Steenhuisen, 48 ans, s’oppose diamétralement aux politiques progressistes de protection sociale de l’ANC. Sur le fond, les négociations de coalition promettent d’être difficiles. Mais «certaines voix au sommet de l’ANC plaident en faveur d’un pacte de confiance», qui impliquerait de concéder quelques portefeuilles au parti d’opposition en échange du maintien du président Cyril Ramaphosa, selon Christopher Vandome, chercheur au think-tank Chatam House basé à Londres.
Rupture de ban
De l’autre côté de l’échiquier politique, deux formations radicales, sur la gauche de l’ANC, émergent en troisième et quatrième positions. Elles ont toutes les deux été fondées par d’anciennes figures du parti au pouvoir en rupture de ban. Le parti Umkhonto we Sizwe (MK, le nom du bras armé de l’ANC sous l’apartheid) de l’ancien président Jacob Zuma, 82 ans, atteignait vendredi soir le score de 12 % pour sa première participation à des élections législatives. Zuma n’était pas lui-même candidat en raison d’une condamnation pour outrage à magistrat. Enfin, l’EFF du provocateur Julius Malema, 43 ans, ancien leader de la ligue de la jeunesse du parti historique, dont il a été exclu en 2012, semble stagner autour de 10 % des suffrages.
«Il ne serait pas difficile pour ces trois partis [ANC, MK, EFF] de former une coalition, car ils ont des politiques et des tendances proches», estime Siphamandla Zondi, professeur en politique à l’université de Johannesburg. Mais les rivalités de longue date entre Zuma et Ramaphosa, qui lui a succédé, sont «trop profondes», estime l’analyste Susan Booysen. Certaines revendications de l’EFF, comme la redistribution sans compensation des terres aux Noirs et la nationalisation de pans entiers de l’économie, sont «trop erratiques et imprévisibles». Le président sortant, Cyril Ramaphosa, est-il prêt à faire des concessions à ces dissidents honnis ? Selon l’expert Daniel Silke, le temps de l’ANC tout-puissant est bel et bien fini : le paysage politique sud-africain a «significativement» changé et le parti historique «ne domine plus» le pays.
Mise à jour le 1er juin : à 12 heures avec les derniers résultats.