Il est midi, ce 19 mars 1962. C’est l’heure de l’anisette et de la kémia aux terrasses des cafés d’Alger et c’est l’heure du cessez-le-feu. Les Français sont assommés. Les Algériens, eux, se précipitent sur les journaux qui annoncent la victoire. Après plus de cent trente ans de colonisation et huit années d’une guerre qui n’a jamais dit son nom (on a toujours parlé d’«événements»), le gouvernement, nommé par le général de Gaulle, vient de signer à Evian-les-Bains (Haute-Savoie) un accord avec les représentants des «rebelles» du Front de libération nationale (FLN), ceux-là même que le président français qualifiait, en 1958, de «pouilleux». Les paras sont priés de remiser leurs tenues léopard dans leurs cantines et de retirer leurs casquettes lézard.
La guerre avait débuté le 1er novembre 1954, lors de la Toussaint rouge. Neuf Français y avaient trouvé la mort. Fermes et récoltes incendiées, gendarmeries attaquées : l’insurrection algérienne vient de commencer. Pourtant, ces premiers attentats se retrouvent relégués à la rubrique des faits divers : pour une majorité de Français, à l’époque «la France, c’est l’Algérie et l’Algérie, c’est la France» avec ses trois départements (l’Algérois, le Constantinois et l’Oranais) sur les cartes affichées aux murs des écoles primaires. L’Algérie et la conquête du Sahara par les troupes coloniales sont alors des images d’Epinal glissées dans les tablettes de chocolat. Pour François Mitterrand, ministre de l’Intér