Depuis une décennie, la crise libyenne a souvent été résumée, à tort, à un affrontement entre deux blocs. A l’ouest, un gouvernement reconnu par l’ONU et la communauté internationale, soutenu par les milices armées de la Tripolitaine. A l’est, le régime militaire du maréchal Haftar, doté d’institutions parallèles. Cette lecture binaire, loin de rendre compte de la complexité de la situation libyenne, a entre autres inconvénients d’occulter un troisième acteur majeur du conflit : la Banque centrale (BCL), au cœur de la bataille pour le pouvoir qui se déroule depuis la chute du dictateur Muammar al-Kadhafi, en 2011.
Son siège, à Tripoli, est l’un des plus beaux bâtiments de la capitale. Construit par un architecte italien dans les années 1920, le monument en briques sombres est situé entre la corniche et la vieille ville. Le double dôme et les arches de sa façade regardent vers la Méditerranée. Son patron, le gardien du trésor, est le même homme depuis 2011 : l’insubmersible Sadiq el-Kebir. Le gouverneur de la Banque centrale détient les clés du coffre-fort de l’Etat libyen, abondé par la fantastique manne des hydrocarbures