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Opposition

En Algérie, l’opposante Amira Bouraoui condamnée à dix ans de prison par contumace

La militante franco-algérienne avait échappé in extremis, en février, à l’extradition vers l’Algérie depuis la Tunisie, avant de s’envoler vers Paris. La justice algérienne a également condamné à six mois de prison ferme le journaliste Mustapha Bendjama, accusé de l’avoir aidée à s’enfuir en France.
Amira Bouraoui, militante et médecin de formation, âgée de 46, en Algérie en 2020. (Ryad Kramdi /AFP)
publié le 7 novembre 2023 à 21h49

Le tribunal de Constantine a condamné ce mardi 7 novembre à dix ans de prison par contumace l’opposante franco-algérienne Amira Bouraoui, et à six mois ferme le journaliste Mustapha Bendjama, accusé de l’avoir aidée à s’enfuir en France, selon des médias algériens et Khaled Drareni, représentant de Reporters sans frontières (RSF). «La militante, se trouvant en France actuellement, a été condamnée à dix années de prison ferme» tandis que «le journaliste a écopé de six mois de prison ferme», a indiqué le site d’information Interlignes.

Brouille diplomatique

Le 31 octobre, le parquet avait requis dix ans d’emprisonnement contre Amira Bouraoui, une médecin de formation âgée de 46 ans. La militante était jugée en première instance pour «sortie illégale du territoire» après avoir franchi la frontière entre Algérie et Tunisie le 3 février, bravant une interdiction de sortie, avant d’être interpellée à Tunis alors qu’elle tentait d’embarquer vers Paris. Elle avait finalement pu s’envoler vers la France trois jours plus tard, malgré une tentative des autorités tunisiennes de la renvoyer en Algérie. Un événement qui avait provoqué des turbulences dans les relations entre Paris et Alger, qui avait qualifié la fuite de l’opposante d’«exfiltration illégale» menée à l’aide de personnels diplomatiques et sécuritaires français. L’Algérie avait rappelé son ambassadeur à Paris pour consultations. La brouille diplomatique avait été résorbée en mars.

Amira Bouraoui s’est fait connaître en 2014 par son engagement dans le mouvement Barakat, contre le quatrième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, avant de s’engager dans le mouvement pro-démocratie Hirak et de travailler aussi pour la radio privée indépendante Radio M. Cette radio appartient à Ihsane el-Kadi, également patron du site Maghreb Emergent, qui purge une peine de sept ans de prison pour «financement étranger de son entreprise», mais est considéré comme «un détenu d’opinion» par ses avocats.

«Grande préoccupation»

Le parquet avait également requis trois ans contre le journaliste Mustapha Bendjama qui, compte tenu du temps déjà passé en détention préventive, aurait dû être libérable, a indiqué Khaled Drareni sur X (ex-Twitter) avant d’exprimer sa «grande préoccupation» face au maintien en détention de l’opposante. «La loi est claire. L’article 365 du code pénal précise que l’accusé est libéré si son incarcération couvre la durée de la sentence», a expliqué à l’AFP Me Abdellah Heboul, avocat du journaliste. Mustapha Bendjama a par ailleurs été condamné dans un autre dossier le 26 octobre à vingt mois de prison, dont huit ferme, aux côtés du chercheur algéro-canadien Raouf Farrah, libéré après avoir purgé la même peine. Arrêté le 8 février dans les locaux de son journal à Annaba (est), il est en détention préventive depuis près de neuf mois.

Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), le journaliste «reste en détention car il fait l’objet d’un mandat de dépôt et ne peut pas bénéficier d’une confusion de peines», tant que le dernier jugement n’est pas définitif. «Il lui reste encore cinq mois à passer en prison, sauf acquittement en appel ou réduction de peine», écrit le CNLD sur sa page Facebook.

Le tribunal de Constantine a également condamné à trois ans de prison ferme Ali Takaida, un agent de la police aux frontières, et à un an de prison avec sursis la mère d’Amira Bouraoui, Khadidja, âgée de 71 ans. Le cousin d’Amira Bendjama, Yacine Bentayeb, et un chauffeur de taxi ayant transporté la militante ont aussi écopé de six mois ferme. Les coaccusés de la militante étaient poursuivis pour «constitution d’une association de malfaiteurs, sortie illégale du territoire national, organisation d’immigration clandestine par un réseau criminel organisé».