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Rapport

Mali : l’armée et les mercenaires de Wagner coupables d’atrocités, selon Human Rights Watch

A la suite d’entretiens avec plusieurs témoins directs d’attaques, l’ONG accuse des soldats maliens et étrangers identifiés comme membres du groupe russe Wagner de multiples exécutions, actes de tortures, arrestations et disparitions forcées.
D'après le rapport de l'ONG Human Rights Watch, au moins 35 civils ont été exécutés par des soldats maliens et étrangers, entre décembre 2022 et mars 2023. (Florent Vergnes /AFP)
publié le 24 juillet 2023 à 17h34

Au Mali, la violence contre les populations civiles ne faiblit pas. Les forces armées maliennes et des combattants identifiés comme des membres du groupe russe Wagner se seraient livrés à de multiples atrocités à l’encontre de civils maliens, selon Human Rights Watch (HRW). Dans un rapport publié ce lundi 24 juillet, l’ONG détaille les exactions commises au cours d’opérations militaires antiterroristes dans quatre villages du centre du Mali entre décembre 2022 et mars 2023. Des témoins ont rapporté la présence de combattants étrangers, non francophones et décrits comme «blancs», «Russes» ou «appartenant à Wagner» lors de trois de ces opérations, indique le rapport.

A la suite d’entretiens téléphoniques menés avec 40 personnes, dont plusieurs témoins directs des attaques, l’ONG a recensé au moins 35 exécutions de civils, dont plusieurs femmes et enfants. «Nous avons retrouvé quatre corps à une centaine de mètres au sud de Sossobé, tous face contre terre, ce qui nous a fait penser qu’ils avaient été tués alors qu’ils cherchaient à prendre la fuite», raconte un témoin d’une attaque dans le village de Sossobé, le 6 mars. Les combattants ont aussi procédé à des arrestations arbitraires, des passages à tabac et des pillages de maisons et de magasins. «Les soldats blancs ont tabassé deux personnes qui étaient assises à côté de moi. Ils les ont frappés à coups de bâtons en bois, si fort que les bâtons se sont brisés», témoigne un autre villageois.

Disparitions forcées et actes de torture

Au moins 50 personnes ont également fait l’objet de disparitions forcées et d’autres ont été soumises à la torture au cours d’une détention illégale dans un camp militaire. Lors d’une de ces attaques, dans le village de Ouenkoro en mars, des soldats maliens et étrangers ont ainsi tué 20 civils en ouvrant le feu sur un marché, avant de regrouper les hommes du village pour les frapper avec divers objets. La plupart des hommes victimes de ces exactions appartiennent à l’ethnie peule, souligne Human Rights Watch.

La publication du rapport de HRW intervient un mois après la décision de mettre fin à la Mission des Nations unies au Mali (Minusma), un retrait exigé par la junte militaire au pouvoir. Les autorités maliennes avaient invoqué «une crise de confiance» pour motiver leur requête. Pour les organisations de défense des droits humains, ce revirement pourrait aggraver l’instabilité du pays, dont la population subit depuis plus d’une décennie la violence des groupes djihadistes. «Le retrait imminent des forces de maintien de la paix de l’ONU rend plus cruciale que jamais la protection des civils par les autorités maliennes et la prévention de nouveaux abus lors d’opérations militaires», selon la directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch, Carine Kaneza Nantulya.

«Faire pression pour mettre fin aux abus»

La présence de Wagner au Mali a longtemps été contestée par les autorités maliennes et russes. En mai 2022, dans une interview à la télévision italienne, le ministre des Affaires étrangères russes Sergueï Lavrov avait affirmé que la milice était «en contrat avec le gouvernement malien pour la fourniture de services de sécurité.» En avril, le chef de Wagner, Evgueni Prigojine, a ouvertement reconnu la présence de ses troupes dans le pays lors d’une prise de parole sur Telegram. Ce n’est pas la première fois que le groupe Wagner est mis en cause dans des exactions au Mali, souvent réalisées sous le prétexte d’opérations antiterroristes contre des groupes djihadistes. Les mercenaires russes ont notamment participé au massacre de Moura en mars 2022, dans lequel 500 civils ont été tués en cinq jours selon un rapport de l’ONU publié en mai.

Notifié par HRW des résultats de son enquête, le gouvernement malien a indiqué ne pas avoir eu connaissance de violations des droits de l’homme et a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire pour crime de guerre et crime contre l’humanité contre X. Les autorités ont malgré tout dénoncé un travail visant «à accabler les forces armées maliennes». De son côté, Human Rights Watch a enjoint l’Union africaine et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest à «faire pression pour mettre fin aux abus.»