Pour le président de Madagascar, Andry Rajoelina, les manifestations de jeunes qui secouent son pays depuis le 25 septembre visent à «provoquer un coup d’Etat». «Des pays et agences ont payé ce mouvement pour m’évincer, pas par des élections, mais par profit, pour prendre le pouvoir comme dans d’autres pays africains», a assuré le chef de l’Etat ce vendredi 3 octobre, lors d’une allocution diffusée sur son compte Facebook. «Notre pays est victime d’une cyberattaque, d’une manipulation de masse», a-t-il ajouté.
L’île particulièrement pauvre de l’océan Indien est le théâtre depuis une semaine d’un mouvement de protestations né de l’exaspération de la population contre les coupures incessantes d’eau et d’électricité. En quelques jours, les revendications des protestataires, regroupés notamment au sein du collectif Gen Z, se sont élargies à une contestation plus large du pouvoir en place et notamment du chef de l’Etat. Un premier bilan de l’ONU, établi lundi, faisait état de 22 morts et de centaines de blessés - «des manifestants et des passants tués par des membres des forces de sécurité, mais aussi d’autres tués lors des violences et des pillages généralisés qui ont suivi, perpétrés par des individus et des gangs sans lien avec les manifestants».
Mobilisation
«Campagne de manipulation»
Des chiffres contestés par la ministre des Affaires étrangères malgache, Rafaravavitafika Rasata. Celle-ci est allée plus loin encore que le président, évoquant ce vendredi une «cyberattaque massive associée à une campagne de manipulation numérique ciblée, d’une ampleur sans précédent». «Selon les analyses de nos services spécialisés, cette opération a été pilotée initialement depuis l’étranger par une agence aux moyens technologiques avancés», a-t-elle affirmé, sans présenter les analyses en question ni aucun autre élément de preuve.
Andry Rajoelina, 51 ans, au pouvoir depuis 2018 après un premier mandat entre 2009 et 2014, a aussi accusé des hommes politiques malgaches de tirer désormais les ficelles de la contestation. «C’est après que le mouvement a démarré que des politiciens ont abusé de cette situation pour mener un coup d’Etat et arriver à leurs fins et détruire le pays», a-t-il déclaré. Dans une rare prise de position commune, l’opposition avait réclamé mercredi le départ de ce magnat des médias, ancien maire de la capitale, Antananarivo.
Grenades lacrymogènes
Alors que le chef de l’Etat, qui a limogé lundi l’ensemble du gouvernement pour calmer la colère des manifestants, n’a toujours pas annoncé la nomination d’un nouveau Premier ministre, Antananarivo a de nouveau vécu ce vendredi au son des détonations des grenades lacrymogènes tirées par les policiers contre les manifestants. Des rassemblements ont été aussi été rapportés dans les grandes villes de Mahajanga (nord), Toliara (sud) et Fianarantsoa (centre).
Le collectif Gen Z, très présent sur les réseaux sociaux, a critiqué dans un communiqué le discours «insensé» d’Andry Rajoelina : «vous blâmez ceux-là mêmes que vous prétendez aussi inviter à un dialogue». Déplorant la violence de la répression et le «sang versé», il a réitéré ses exigences posées plus tôt dans la journée : être «consulté dans le processus de nomination du futur Premier ministre» et obtenir un délai supplémentaire de quatre jours pour cette nomination. Plusieurs syndicats, dont celui de la société nationale de distribution d’eau et d’électricité, ont appelé ces derniers jours à la grève générale. Les syndicats des agents pénitentiaires et des douanes leur ont emboîté le pas vendredi, pour une grève de «trois jours».