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Libération
Vu de Rabat

Au Maroc, le procès de la militante «Betty» Lachgar, arrêtée pour un tee-shirt «Allah is lesbian», reporté au 3 septembre

Le tribunal de première instance de la capitale marocaine a refusé la libération provisoire de la militante féministe Ibtissame Lachgar, jugée pour «atteinte à l’islam», malgré son état de santé «inquiétant».
La photo publiée le 10 août par Ibtissame «Betty» Lachgar sur X. Sur le tee-shirt, est écrit : «Allah est lesbienne». (DR)
par Omar Kabbadj, Correspondant à Rabat
publié aujourd'hui à 21h08

«Elle a l’air de se porter mieux que la semaine dernière», se réjouit un proche d’Ibtissame «Betty» Lachgar, au moment où elle fait irruption dans la salle n° 9 du tribunal de première instance de Rabat. La militante féministe est détenue depuis le 10 août après avoir publié un tweet polémique dans lequel elle apparaît vêtue d’un tee-shirt où l’on peut lire «Allah is lesbian» (Allah est lesbienne).

L’article 267-5 du Code pénal marocain, en vertu duquel la militante est poursuivie, punit de six mois à deux ans de prison ferme «quiconque porte atteinte à la religion musulmane». La peine est susceptible d’être portée à cinq ans d’emprisonnement si l’infraction est commise en public, «y compris par voie électronique».

Son procès s’était ouvert le 13 août au Palais de justice de la capitale marocaine. Ce mercredi 27 août, l’audience devait porter sur le fond de l’affaire. Sauf que de nouveaux avocats se sont greffés à son comité de défense, demandant dans la foulée un nouveau délai pour préparer leurs plaidoiries. La Cour a accédé à leur demande, reportant le procès au 3 septembre prochain.

Mobilisation internationale

En revanche, le juge n’a pas accordé la liberté provisoire à l’activiste. Elle restera en prison en attendant son jugement. Pourtant, les avocats de «Betty», 50 ans, ont assuré que leur cliente était en mesure de fournir toutes les garanties pour se présenter devant la justice mercredi prochain : caution, incapacité à quitter le territoire ou encore son dossier médical.

Diagnostiquée depuis ses 20 ans d’un cancer des os, le sarcome d’Ewing, elle souffre d’un handicap qui la contraint à porter une prothèse. Ce mercredi, «Betty» est apparue équipée d’une attelle que ses proches ont pu, «heureusement», lui fournir en prison. Son avocate, Naïma Elguellaf, a expliqué au juge que les médecins de sa cliente la pressent de se faire opérer le plus rapidement possible, ajoutant qu’elle court le risque de se faire amputer de son bras.

La question du blasphème demeurant une ligne rouge au Maroc, «Betty» Lachgar jouit d’un soutien timide des courants progressistes locaux. L’Association marocaine des droits humains a exprimé dans un communiqué sa «profonde inquiétude» face à l’arrestation de l’activiste pour ce qui «relève de la liberté d’expression et d’opinion». C’est surtout à l’international que la résistance s’organise. Une pétition en ligne a été lancée pour exiger sa libération. Elle a été signée jusqu’ici par plus de 3 700 personnes.

Le 15 août, une manifestation de soutien a eu lieu à Paris demandant la libération de la militante, à l’initiative du Front féministe international. Des sit-in similaires ont été organisés ces derniers jours à Marseille, mais aussi en Espagne, devant le consulat du Maroc à Bilbao, pour dénoncer sa détention. Le Parti communiste français a qualifié son arrestation d’«injuste et violente, dictée par la haine et l’obscurantisme» et a demandé sa «libération immédiate et l’arrêt des poursuites».