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Mémoire

Massacre des tirailleurs de Thiaroye : un Livre blanc pour «réhabiliter la vérité historique» remis au président sénégalais

L’ouvrage constitue une «étape décisive» pour lever le voile sur les zones d’ombre qui persistent autour du massacre de Thiaroye.

Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko (à gauche) remet au président sénégalais Bassirou Diomaye Faye (à droite) le rapport officiel sur le massacre de Thiaroye lors d'une cérémonie au palais présidentiel de Dakar, le 16 octobre 2025. (Patrick Meinhardt/AFP)
Publié le 17/10/2025 à 9h39

Pas seulement un souvenir, mais une réhabilitation de la vérité historique. «La cérémonie qui nous réunit aujourd’hui consacre un acte de vérité», a résumé jeudi 16 octobre le chef de l’Etat sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, après s’être vu remettre un Livre blanc de 301 pages rédigé par un comité de chercheurs dirigé par l’historien sénégalais Mamadou Diouf. Intitulé Le massacre des Tirailleurs sénégalais à Thiaroye, le 1er décembre 1944. Un massacre de la libération, le document retrace l’un des derniers dossiers mémoriels douloureux entre la France et le Sénégal, avec pour but de «réhabiliter la vérité» de l’histoire étouffée du drame.

La «vérité», en l’espèce, consiste à dire que la tuerie perpétrée le 1er décembre 1944 dans le camp militaire de Thiaroye par les troupes coloniales et les gendarmes français contre des tirailleurs rapatriés des combats en Europe «a été préméditée» par l’armée française. Parmi les victimes, des soldats sénégalais, mais aussi issus de Côte d’Ivoire, de Haute-Volta (aujourd’hui le Burkina Faso) et de Guinée.

Zones d’ombre

Si le traumatisme lié à cette tuerie est toujours vif au Sénégal et sur le continent africain, il l’est d’autant plus que de nombreuses zones d’ombre subsistent sur les circonstances du drame. Le nombre exact de tirailleurs tués, leur identité, le lieu de leur inhumation… Dans cette démarche d’élucidation, les autorités sénégalaises ont mis en place en avril 2024 le comité de chercheurs.

«Les autorités françaises ont tout fait pour camoufler [la tuerie], elles ont modifié les registres de départ [des tirailleurs de la France] et d’arrivée à Dakar», écrivent les rédacteurs du Livre blanc. Elles sont également accusées d’avoir minimisé le bilan officiel des morts : de 70 selon le décompte français, ce dernier passe à «300 à 400 victimes» d’après le livre.

Fouilles archéologiques

Les fouilles archéologiques menées par le comité ont permis d’exhumer dans le cimetière de Thiaroye - où sont inhumées des victimes -, «sept squelettes» dans «des tombes qui sont postérieures aux inhumations», et de mettre au jour des mutilations glaçantes. L’un des squelettes est «caractérisé par une absence de crâne et sa partie gauche est dépourvue de côtes». Sur un autre, ont été découverts «des restes de chaînes de fer au bas des tibias gauche et droit». Des brodequins, des boutons, des anneaux, des bagues et des pattes de collet notamment ont été exhumés.

Jeudi, le président sénégalais a annoncé avoir validé la «poursuite des fouilles archéologiques sur tous les sites susceptibles d’abriter des fosses communes». «La vérité historique ne se décrète pas, elle se découvre excavation après excavation, jusqu’à la dernière pierre soulevée», a-t-il martelé.

En novembre 2024, à l’approche du 80e anniversaire des événements de Thiaroye, le président français Emmanuel Macron avait reconnu que les forces coloniales françaises avaient commis un «massacre» à Thiaroye.