Au bout du fil, Kader (1) déchante. Il revient tout juste de la gare routière d’Agadez, ville saharienne au centre du Niger, et «les migrants arrivent au compte-gouttes». Les affaires reprennent bien timidement aux yeux de cet ancien hébergeur de ressortissants d’Afrique subsaharienne en route vers l’Europe. Le voilà même réduit à lorgner leurs mouvements, tel un rabatteur. Alors qu’il y a dix ans, on l’appelait de partout. De Guinée, de Sierra Leone, du Nigeria… L’économie de la migration était «florissante» à Agadez, lieu de transit entre les deux rives du Sahara. Il fallait voir, dit-il, «les marchés gonflés et les banques surchargées de clients chaque week-end». Tout s’est effondré après l’adoption de la «loi farouche» du 26 mai 2015.
Instrument de la stratégie d’externalisation des frontières de l’Union européenne, cette loi sur le «trafic illicite de migrants» criminalisait les acteurs de la migration (transporteurs, logeurs, intermédiaires), passibles de vingt mois à trente ans d’emprisonnement et d’amendes s’élevant jusqu’à 30 millions de francs CFA (45 700 euros). Le 25 novembre dernier, elle a été abrogée par le régime militaire au pouvoir depuis