Accroupi sur les bords d’un canal aux eaux putrides, Philip Agosu guette le ballet matinal des pirogues traversant Makoko, un tentaculaire bidonville sur pilotis situé en lisière de Lagos, la capitale économique du Nigeria. «La pirogue de ramassage scolaire ne va plus tarder, explique ce pêcheur de 45 ans. Malheureusement, seuls trois de mes six enfants pourront embarquer aujourd’hui. Je n’ai pas suffisamment d’argent pour les autres.»
La pirogue annoncée surgit d’un canal adjacent, remplie d’une vingtaine d’écoliers aux yeux encore gonflés par la nuit. Après un bref échange avec le père de famille, le professeur en charge de l’embarcation, Janvier Houedouto, soupire : «Depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19, il devient de plus en plus difficile de convaincre les parents de nous confier leur progéniture. Les gens se sont appauvris de manière vertigineuse.»
«Les confinements ont certes cessé il y a plus d’un an, mais une bonne partie de mes élèves manque toujours à l’appel», confirme Fidèle Nakouté, le directeur de la petite école de bois et de tôles où débarquent les élèves quelques minutes plus tard. Un discours répété dans plusieurs autres établissements du bidonville, dont les 200 000 habitants, en situation d’extrême pauvreté et privés de services publics, ont organisé un système scolaire avec les moyens du bord et la bonne volonté d’une poignée de jeunes professeurs exerçant à titre gracieux.
Récit
«Nos écoles ont beau être gratuites, les p