Mère et fille s’attellent autour de la table, abritées sous un parasol, elles effeuillent soigneusement les feuilles de waterleaf, une plante herbacée, qu’elles vendent le long d’une route du quartier Obili, à Yaoundé, et qui finiront en soupe ou en sauce. La mère, Fabiola Ghannyuymo, 25 ans, vêtue d’un bonnet et d’un col roulé, grelotte sous la pluie fine qui tombe par 25 degrés. «Je ne suis pas encore habituée au froid de Yaoundé», dit-elle dans un sourire, comme pour justifier sa tenue. La fille, Hazel, 3 ans, porte un pull, un tutu rose, et esquisse des pas de danse entre chacun de ses gestes de mini-travailleuse.
Mère et fille sont nouvelles ici. En janvier 2024, elles ont fui Kumbo, ville du nord-ouest du Cameroun, en zone anglophone, où sévit depuis l’automne 2017 un conflit opposant les forces gouvernementales aux combattants séparatistes. Depuis, Fabiola vit chez sa sœur à Yaoundé. La mère séparée au doux regard pousse un long soupir avant d’expliquer les raisons de son départ. «C’est mieux ici, on peut marcher tranquillement dans les rues sans avoir peur de se faire tirer dessus