Avant de monter dans sa voiture, Mohand jette un regard par-dessus son épaule pour s’assurer que personne ne le suit. Il est venu se recueillir sur la tombe du chanteur Matoub Lounès, enterré juste devant sa maison, à Taourirt Moussa, village de Kabylie situé à 20 kilomètres au sud de Tizi Ouzou. A peine a-t-il terminé sa prière que l’homme de 31 ans quitte précipitamment le petit mausolée qui abrite la sépulture de l’artiste, dont l’assassinat en 1998 est vécu comme un sacrifice pour la cause berbère et la liberté d’expression.
La tension reste très vive dans ce village depuis l’arrestation d’un groupe de militants ayant assisté, le 25 juin, à la cérémonie marquant le 26e anniversaire de la disparition de ce symbole de la résistance en Kabylie. Dont l’enseignante Mira Moknache, actuellement en détention provisoire. «Comme si déposer une gerbe de fleurs sur une tombe était un crime», murmure Mohand. Son téléphone sonne, il apprend qu’une quinzaine de citoyens ont aussi été arrêtés à Béjaïa, la plus grande ville de la région. «C’est de la persécution. Sur le plan des libertés, le régime ne nous concède aucune trêve», s’énerve son cousin, fervent militant pour la libération des détenus d’opinion.
Région indomptée et historiquement frondeuse
Perché sur les montagnes, le village, avec ses murs ornés de fresques glorifiant les figures de la résistance kabyle, n’a pas encore plongé dans la campagne électorale, alors que