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Election

Présidentielle au Tchad : l’ex-opposant Succès Masra se mesurera à Mahamat Déby dans les urnes

Le patron du parti Les Transformateurs, nommé Premier ministre en début d’année, a annoncé dimanche 10 mars qu’il concourra à l’élection du 6 mai. L’opposition dénonce une «candidature prétexte».
Le patron du parti Les Transformateurs, Succès Masra, désormais candidat à l'élection présidentielle du Tchad, à N'Djamena dimanche 10 mars. (AFP)
publié le 11 mars 2024 à 18h46

Candidature de complaisance ou vrai défi électoral ? Le Premier ministre civil de la junte militaire au Tchad, Succès Masra, a annoncé sa candidature à la présidentielle du 6 mai, huit jours après celle du président de transition, le général Mahamat Idriss Déby Itno. Les deux hommes avaient signé un accord de réconciliation fin 2023, avant que Masra soit nommé Premier ministre, le 1er janvier. «Je réponds présent […] pour réparer les cœurs et réunir le peuple», a lancé ce bouillant docteur en sciences économiques de 40 ans, dimanche 10 mars, lors d’un meeting d’investiture devant des centaines de militants de son parti Les Transformateurs.

«Je suis candidat pour être le pilote principal de l’avion» mais «vous devrez choisir la combinaison gagnante que vous voulez, qui doit être pilote et qui doit être copilote», a-t-il rétorqué à ceux qui le soupçonnent d’avoir négocié de rester Premier ministre après l’élection. Le reste de l’opposition a immédiatement dénoncé une «candidature prétexte» destinée à donner un semblant de pluralité à un scrutin qu’elle considère gagné d’avance par Mahamat Déby.

Balle dans la tête

Succès Masra avait quitté son poste de haut fonctionnaire de la Banque africaine de développement pour fonder Les Transformateurs en 2018. Il était l’un des principaux opposants au maréchal Idriss Déby Itno, tué en avril 2021. Il avait dénoncé le «coup d’Etat» de son fils, proclamé le lendemain chef de l’Etat par une junte de quinze généraux. Mahamat Déby avait promis de rendre le pouvoir aux civils après une transition de dix-huit mois et de ne pas se présenter aux élections. Mais il a prolongé la transition de deux ans supplémentaires et a annoncé le 2 mars sa candidature à la présidentielle.

Succès Masra, combatif, populaire chez les jeunes de N’Djamena, était l’un des seuls opposant à tenter d’organiser des manifestations, interdites ou systématiquement réprimées. Jusqu’à celle du 20 octobre 2022 quand des centaines de Tchadiens, selon l’opposition et les ONG internationales, ont été tués par balles par les forces de l’ordre, et un millier d’autres au moins emprisonnés. Masra avait fui le pays dans la foulée. Il y est revenu le 3 novembre, trois jours après avoir signé un «accord de réconciliation» avec la junte amnistiant notamment tous les manifestants du 20 octobre 2022. Mais aussi «leurs tueurs», s’étranglait l’opposition qui l’accusait de «trahir» leur cause et ses propres militants «massacrés».

L’annonce de la candidature du patron des Transformateurs intervient onze jours après la mort du principal rival politique du général Déby, son propre cousin Yaya Dillo Djérou, tué le 28 février par des militaires dans l’assaut du siège de son Parti socialiste sans frontières (PSF). D’une balle dans la tête à bout portant, selon le PSF. Un «assassinat» destiné à l’écarter de la course à la présidentielle selon l’opposition, ce que nie le gouvernement. «Après l’assassinat de Yaya Dillo, Masra accompagne le pouvoir dans un processus vicié d’avance, il sera maintenu Premier ministre après l’élection», prédit à l’Agence France Presse Avocksouma Djona Atchenemou, président du parti les Démocrates.