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Elections

En Tunisie, trois candidats retenus pour la présidentielle, dont le sortant Kaïs Saïed

Seuls trois candidats sont en lice pour le scrutin présidentiel tunisien, prévu le 6 octobre. Le président sortant Kaïs Saïed, accusé de dérive autoritaire par ses détracteurs, devrait affronter les anciens députés Zouhair Maghzaoui et Ayachi Zammel.
Un partisan du président tunisien Kaïs Saïed lors d'une manifestation pour l'anniversaire de la fondation de la République, le 25 juillet 2024 à Tunis. (Ons Abid/AP)
publié le 12 août 2024 à 12h58

Sauf rebondissement de dernière minute, trois candidats s’affronteront lors de l’élection présidentielle en Tunisie, prévue le 6 octobre. Mis à part le président sortant Kaïs Saïed, 66 ans, qui brigue un deuxième mandat, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a annoncé avoir accepté les dossiers de deux autres postulants : Zouhair Maghzaoui, un ancien député défenseur du panarabisme de 59 ans, secrétaire général du Mouvement du peuple (d’obédience socialiste), et Ayachi Zammel, lui aussi ancien député, chef d’un petit parti peu connu, le Mouvement Azimoun. Les quatorze autres prétendants (qui peuvent encore déposer des recours) ont été éliminés car ils n’ont «pas recueilli suffisamment de parrainages», a justifié le président de l’Isie, Farouk Bouasker.

«Election jouée d’avance»

Le chemin vers l’élection présidentielle a été semé d’embûches pour les rivaux de Kaïs Saïed, affirment les experts. Elu démocratiquement en 2019, le chef de l’Etat s’est approprié tous les pouvoirs lors d’un coup de force le 25 juillet 2021, et est depuis accusé de dérive autoritaire par l’opposition et ses détracteurs. Les critères imposés aux potentiels candidats au scrutin étaient difficiles : ils devaient recueillir le parrainage de 10 parlementaires, 40 élus locaux ou 10 000 électeurs, dont au moins 500 par circonscription. L’Isie exigeait par ailleurs un extrait de casier judiciaire (B3) prouvant l’absence de condamnations. Plusieurs postulants se sont plaints d’avoir été entravés sur ce dernier point – une information démentie par le président de l’instance électorale.

Un certain nombre de candidats potentiels, dont des dirigeants de partis d’opposition comme Issam Chebbi ou Ghazi Chaouachi, sont par ailleurs emprisonnés pour des accusations de complot contre l’Etat. Ils font partie d’un groupe d’une vingtaine d’opposants, hommes d’affaires et anciens ministres, arrêtés en février 2023 pour complot contre la sûreté de l’Etat, une enquête dénoncée comme «une chasse aux sorcières» par Amnesty International.

Après s’être octroyé les pleins pouvoirs il y a trois ans, Kaïs Saïed a révisé la Constitution pour substituer au régime parlementaire en vigueur un système ultraprésidentialiste où le Parlement n’a pratiquement plus de pouvoirs, et a, selon ses opposants, démantelé la plupart des institutions de contrepoids instaurées depuis l’avènement de la démocratie et la chute de la dictature de Ben Ali en 2011. «C’est une élection jouée d’avance», a déclaré l’analyste tunisien Hatem Nafti, soulignant que Maghzaoui avait apporté son soutien au coup de force de Kaïs Saïed il y a trois ans. Même s’il est «un peu plus connu» que Zammel, il est considéré comme «un opposant de l’intérieur, surtout critique du manque de résultats socio-économiques» et du bilan présidentiel, poursuit l’analyste, selon lequel Maghzaoui «n’a aucune chance car les gens préfèrent toujours l’original à la copie».

«One-man-show»

Le politologue estime qu’«on a réglé en amont la question de l’élection en éliminant tous les concurrents ayant des chances». Parmi les candidats sérieux qui ont été recalés, des experts et médias citaient régulièrement le nom de Mondher Zenaidi, un ancien ministre du régime de Ben Ali reconnu pour ses compétences, derrière lequel l’opposition aurait peut-être pu se rassembler, explique Hatem Nafti. Depuis le printemps 2023, les principaux opposants ont été emprisonnés, notamment le chef du parti islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi, et la présidente du Parti destourien libre, Abir Moussi.

L’amiral à la retraite et ancien conseiller à la sécurité nationale Kamel Akrout, qui a renoncé au dernier moment à se porter candidat, a dénoncé une «absence d’égalité des chances et des obstacles visant à exclure des candidats au profit d’un seul». Le scrutin du 6 octobre «ne sera qu’une formalité qui ne servira à rien d’autre qu’à conférer une légitimité imaginaire à un échec politique, un effondrement économique sans précédent, une pauvreté extrême et un isolement diplomatique», a-t-il fustigé.

Vendredi, le militant politique et écrivain Safi Saïd, lui aussi considéré comme un concurrent sérieux du président sortant, avait jeté l’éponge, faute d’avoir collecté suffisamment de signatures. Il a dénoncé «un manque de clarté des règles du jeu», estimant avoir «failli participer à un one-man-show» de Kaïs Saïed.