Menu
Libération
Duel

RDC : le bras de fer entre Félix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila se durcit

Alors que l’entourage de l’ancien président annonce son retour prochain au Congo via Goma, ville tombée aux mains des rebelles du M23, le gouvernement a suspendu son parti et engagé des poursuites judiciaires contre lui.
Le président de la république démocratique du Congo, Felix Tshisekedi, à Windhoek (Namibie), le 21 mars. (Reuters)
publié le 20 avril 2025 à 10h56

Entre le président congolais Félix Tshisekedi et son prédécesseur, Joseph Kabila, les hostilités sont désormais ouvertes. A l’issue de l’élection contestée de décembre 2018, le premier avait pourtant accédé à la tête de l’Etat avec l’appui du second, offrant à la république démocratique du Congo sa première alternance pacifique depuis l’indépendance, à défaut du respect strict de la vérité des urnes. Mais l’alliance entre les deux hommes s’était rapidement effritée, sur fond de rivalités personnelles et financières entre les deux camps. Un an après l’élection, l’influent Kabila, en exil, bascule dans l’opposition.

Le brusque réveil du groupe rebelle M23, dans l’est de la RDC, en 2022, puis sa progression continue dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, devient le problème numéro 1 du gouvernement congolais. Lorsque l’ancien patron de la Commission nationale électorale Corneille Naanga (l’homme qui avait entériné le pacte secret de 2018 entre Kabila et Tshisekedi) annonce la création de l’Alliance du fleuve Congo (AFC), une coalition politico-militaire qui englobe le M23, fin 2023, Kinshasa y voit la main de l’ancien président. «L’AFC, c’est lui», assure Félix Tshisekedi.

«On attend de le voir»

Joseph Kabila, réputé pour son extrême discrétion, est sorti de son silence le mois dernier. Le «Raïs» lâche ses coups contre son successeur, qu’il accuse «d’innombrables violations de la Constitution et des droits de l’homme, ainsi que de massacres répétés de la population par la police et les forces militaires», dénonçant «l’intimidation, les arrestations arbitraires, les exécutions sommaires et extrajudiciaires, ainsi que l’exil forcé d’hommes politiques, de journalistes et de leaders d’opinion, y compris des chefs religieux». L’ancien président, qui à 30 ans avait succédé à son père, Laurent-Désiré Kabila, assassiné en janvier 2001, prédit «l’implosion imminente» du pays «si le problème congolais n’est pas traité en profondeur».

La tension est montée d’un cran depuis que Joseph Kabila a laissé entendre qu’il s’apprêtait à revenir sur le sol congolais. Il a été aperçu ses derniers jours à Kigali, la capitale du Rwanda, parrain politique et militaire du M23, selon la lettre d’information Africa Intelligence. La presse congolaise bruisse des rumeurs de son arrivée prochaine à Goma, la grande ville du Nord-Kivu, frontalière du Rwanda, tombée aux mains des rebelles en début d’année. Son ancien porte-parole Barnabé Kikaya Karubi promet qu’il «livrera un discours qui fera date» depuis Goma. «On attend de le voir, on attend de l’écouter», a répliqué le ministre de la Communication, Patrick Muyaya.

«Poursuites judiciaires»

En réponse, le parti de Kabila a été interdit samedi 20 avril. Les activités du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) «sont suspendues sur toute l’étendue du territoire national», indique un communiqué du ministère de l’Intérieur. «Cette décision fait suite à l’activisme avéré» de Joseph Kabila dans «cette guerre d’agression rwandaise ainsi qu’au silence coupable voire complice» de son parti, ajoute le texte. Il condamne également le «choix délibéré» de l’ancien chef de l’Etat de «rentrer au pays par la ville de Goma sous contrôle de l’ennemi qui assure curieusement sa sécurité». Le même jour, le ministère de la Justice indique avoir demandé au procureur général près la Cour de cassation «d’engager des poursuites judiciaires» contre Joseph Kabila «pour sa participation directe» au M23.