Ibrahim Mohammed vit dans l’une des 500 maisons identiques alignées le long de la route n°4 de l’Etat de Borno, à Konduga, dans le nord-est du Nigeria. Le gouvernement a offert un toit – deux pièces rectangulaires nues – à sa famille pour le récompenser de sa bonne volonté : Ibrahim est un ancien combattant de Boko Haram qui a fait défection. Il y a trois ans, il a rejoint une brigade de repentis, retournant ses armes contre ses anciens frères jihadistes.
Il a accepté de témoigner, avec l’autorisation de son chef, repenti lui aussi. Assis en tailleur sur une natte à l’ombre d’un auvent en paille tressée, il replonge dans ses années passées dans la forêt de Sambisa, repaire de l’organisation islamiste ultraviolente qui terrorise le Nigeria depuis une décennie. «J’avais 20 ans quand ils sont arrivés dans mon village, à Furi. Ils rassemblaient les hommes pour faire des sermons. Ils disaient que la vie au Nigeria n’était pas bonne. Qu’avec eux, on suivrait la bonne voie, celle de la religion.» Ibrahim s‘est laissé convaincre. Un jour, à la fin du sermon, il les a suivis. Sans rien dire à ses proches.
Ibrahim a aujourd’hui 28 ans. De fines marques tribales strient ses joues. Il porte un caftan violet par-dessus une marinière, un bonnet brodé et des sandales en plastique. Il se cure les dents avec un morceau de la natte. «Pendant la formation, les journées suivaient une cadence immuable : nous lisions le Coran et nous apprenions à manier les armes. Dans mon groupe, nous ét