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Epidémie

Rwanda : contre la variole du singe, «il nous faudra bien plus de vaccins»

Premier pays à lancer une campagne de vaccination contre Mpox en Afrique, le Rwanda espère obtenir plus de doses. Et à terme se doter d’une industrie pharmaceutique locale qui permettra de répondre à ce type de pandémie.
Le docteur Jean Kaseya (à droite), à la tête d’Africa CDC, au côté du chef de l'autorité de préparation et de réponse aux situations d'urgence en matière de santé, Laurent Muschel, le 5 septembre lors d'une réception de vaccins Mpox, à Kinshasa. (AFP)
publié le 20 septembre 2024 à 18h40
(mis à jour le 20 septembre 2024 à 18h40)

Ebola, Covid, et désormais variole du singe (ou Mpox) : les épidémies et pandémies épargnent rarement le continent africain, faisant d’autant plus durement ressentir sa dépendance aux vaccins importés. Mardi 17 septembre, le Rwanda a été le premier pays d’Afrique à avoir lancé une campagne de vaccination, grâce à un don d’un millier de doses, contre le dernier de ces fléaux, la variole du singe dont la résurgence affecte au moins quinze pays du continent.

Contrairement à ce que son nom laisse suggérer, cette forme particulière de variole se transmet à l’homme par des rongeurs. Soit par contact direct avec des animaux ou du matériel, contaminés, mais aussi par la transpiration. L’Organisation mondiale de la santé, qui préfère la désigner sous le nom moins ambigu de Mpox, a déclenché son plus haut degré d’alerte mondiale mi-août avec l’apparition d’un nouveau variant. Au-delà des symptômes habituels (douleurs musculaires, fièvre et lésions cutanées), ce dernier peut se révéler mortel : avec près de 800 décès d’ores et déjà enregistrés sur plus de 24 000 cas de contamination. Le Rwanda est loin d’être le pays le plus touché. «Six cas enregistrés et aucun mort pour le moment», souligne Hassan Sibomana à la tête du programme de vaccination, joint à Kigali. Mais la proximité de ce petit pays de l’Afrique des Grands Lacs avec l’immense et chaotique république démocratique du Congo (RDC), considéré comme l’épicentre de l’épidémie, avec plus de 6 000 cas enregistrés, a incité les autorités rwandaises à réagir.

L’épidémie «n’est toujours pas sous contrôle»

«Nous avons reçu un millier de doses et nous avons déjà vacciné 300 personnes à ce jour. Essentiellement à Kigali, la capitale, et dans les districts frontaliers avec la RDC. A la fin de ce week-end, nous espérons en avoir vacciné 500. Comme il faut deux doses pour chaque vaccin, nous ne pourrons pas aller plus loin. Il nous faudra donc recevoir d’autres vaccins», constate Hassan Sibomana. Le premier lot de vaccins a été fourni par le Nigeria, qui les avait obtenus grâce à un don des Etats-Unis. «Nous sollicitons désormais d’autres partenaires et institutions», explique le responsable rwandais du service de vaccination. Car l’urgence est là. L‘épidémie «n’est toujours pas sous contrôle», a annoncé jeudi l’agence sanitaire de l’Union africaine (Africa CDC) qui a recensé en une semaine 2912 nouveaux cas et 14 morts sur le continent.

La résurgence de cette épidémie virale, découverte pour la première fois en 1958 mais qu’on pensait éradiquée, a une fois de plus suscité des commentaires indignés sur l’absence de réponse adaptée pour le continent. «Dans un pays qui a besoin de trois millions de doses, comment voulez-vous qu’il accepte ces 500 000 doses quand il sait qu’au bout d’un ou deux jours, il aura utilisé ces 500 000 doses et se retrouvera sans autre solution ?» s’est insurgé récemment le docteur Jean Kaseya à la tête d’Africa CDC.

Enveloppe de 40 millions d’euros

Très soucieux de promouvoir une politique de développement autonome, le Rwanda est depuis longtemps préoccupé par cette dépendance. Mardi, un accord a été signé avec l’Union européenne à Kigali, doté d’une enveloppe de 40 millions d’euros pour promouvoir la mise en place d’une industrie pharmaceutique locale, et notamment la production de vaccins. «Une étape essentielle pour faire du Rwanda un hub de l’industrie pharmaceutique dans la région», s’est félicitée Belen Calvo Uyarra, l’ambassadrice de l’Union européenne sur place. Un premier pas qui confirme aussi l’engagement d’un petit pays dévasté par un génocide en 1994 mais où 98 % de la population dispose désormais d’une assurance maladie, alors que le budget de la santé dépasse les 15 % des dépenses de l’Etat. Un cas hélas encore trop rare en Afrique.