C’est une victoire majeure pour le Front Polisario. Ce vendredi 4 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne (UE) a donné raison aux indépendantistes sahraouis, en invalidant définitivement deux accords commerciaux conclus entre le Maroc et l’UE. Ces accords de 2019 sur la pêche et l’agriculture ont été conclus en «méconnaissance des principes de l’autodétermination» du peuple sahraoui, peut-on lire dans un arrêt la haute juridiction établie à Luxembourg.
Le consentement du peuple sahraoui à la conclusion de ces accords était une des conditions de leur validité. Or, la Cour a jugé que même si des consultations avaient été menées au Sahara occidental, ancienne colonie espagnole passée presque entièrement sous contrôle marocain, elles ne signifiaient pas consentement. «La Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure ont consulté non pas le peuple du Sahara occidental, qui est seul titulaire du droit à l’autodétermination par rapport au territoire du Sahara occidental, mais, pour l’essentiel, la «population» de ce territoire, au sens de ses habitants actuels, dont la majeure partie n’appartient pas à ce peuple, précise la Cour. Une grande partie dudit peuple est en effet en exil depuis les années 70 et a trouvé refuge en Algérie.»
Vaste étendue désertique de 266 000 km² située au nord de la Mauritanie, le Sahara occidental est le dernier territoire du continent africain dont le statut postcolonial n’est pas réglé : le Maroc en contrôle plus de 80 % (la partie occidentale), le Front Polisario moins de 20 % (la partie orientale), le tout étant séparé par un mur de sable et une zone tampon sous contrôle des Casques bleus de l’ONU.
«Décision historique»
En conséquence, les demandes d’annulation d’une décision de la justice européenne prise en première instance en 2021 sont rejetées. A l’époque, le tribunal de l’UE avait annulé les deux accords commerciaux UE-Maroc. Dans un communiqué, l’ONG Western Sahara Resource Watch a salué une «décision historique» : «A l’heure où le droit international est sous pression, il est fondamental que l’UE suive sa propre cour et cesse de collaborer avec l’occupant par le biais d’accords commerciaux illégaux.»
L’organisation, qui défend les intérêts du peuple sahraoui, appelle par ailleurs les entreprises étrangères privées qui participent au «pillage» des ressources du Sahara occidental par le Maroc à mettre un terme à leurs activités. Les sociétés françaises sont notamment de plus en plus nombreuses à s’intéresser à ce territoire disputé, très riche en ressources naturelles, depuis que Paris s’est aligné sur la position marocaine à propos de l’épineux dossier du Sahara occidental. La décision de justice rendue ce vendredi n’a toutefois pas de conséquence à court terme. L’accord de pêche avait déjà expiré en juillet 2023, et la Cour a prolongé d’un an à compter du 4 octobre l’application de l’accord concernant les produits agricoles.
Réagissant à cette décision, le Maroc ne se considère «aucunement concerné», a réagi le ministère marocain des Affaires étrangères, soulignant que le royaume n’avait participé à aucune des phases de la procédure. «Le contenu de cette décision contient des errements juridiques évidents et des erreurs de fait suspectes», a-t-il estimé, ajoutant que «ceci dénote au mieux d’une méconnaissance totale des réalités du dossier, sinon d’un parti pris politique flagrant».
Melons et tomates controversés
Dans une autre décision, la Cour de justice de l’UE a également stipulé que l’étiquetage des melons et des tomates récoltés au Sahara occidental devait mentionner ce territoire, et non le Maroc, en tant que pays d’origine. La Confédération paysanne, syndicat agricole français, avait demandé à la France d’interdire l’importation de melons et de tomates originaires du territoire du Sahara occidental, étiquetés, à tort selon elle, comme provenant du Maroc. La Cour lui a donné raison, jugeant que le pays d’origine était bien le Sahara occidental et non le Maroc.
Fin 2020, les Etats-Unis de Donald Trump avaient reconnu la souveraineté marocaine sur l’ancienne colonie espagnole, brisant le consensus international sur le statut actuel du territoire disputé. Depuis, de nombreux pays se sont alignés sur cette position, dont la France et l’Espagne.