Le patriarche Chafii Fathallah s’offusquerait presque de la question : «Mais on pouvait tout cultiver ici ! Salades, tomates, courgettes… Les marchands des villes venaient jusqu’ici pour s’approvisionner.» Difficile de croire que Jarda a un jour été un jardin d’abondance. Perché à 470 mètres d’altitude sur une colline rocailleuse parsemée de petites forêts, à 35 kilomètres à vol d’oiseau de la frontière algérienne, le hameau où vivent onze familles ressemble davantage à Aubignane, le village abandonné du Regain de Giono qu’à une capitale maraîchère. Le secret de cette relative opulence, explique son cousin Hédi Fathallah, résidait dans une cavité en pierre cachée à l’ombre de chênes-lièges, à un kilomètre et demi de Jarda : «Il y a une dizaine d’années, les femmes venaient ici s’approvisionner en eau, jusqu’en mars. On l’appelait la source Zabd, qui signifie mousse, car l’eau y jaillissait en écume.»
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Aujourd’hui, malgré l’ombre, les pierres sont si chaudes qu’aucun animal ne s’y risque. Des feuilles desséchées commencent à obstruer la source tarie. Le guide tient à montrer un autre trésor, un kilomètre plus à l’ouest et 100 mètres plus haut : le ruisseau Bell. Muni d’une bouteille en plastique, Hédi Fathallah plonge sa main sous un gros rocher, il en sort un liquide jaunâtre : «Là, l’eau coulait toute l’année.» A ses pieds, une flaque croupie et des bouses de vache montrent que le site sert toujours d’abreuvoir. Hayet Fathalli, la fille de Chafii,