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Justice

Sénégal : le Conseil constitutionnel retoque la candidature de l’opposant Ousmane Sonko à la présidentielle

En moins de vingt-quatre heures, la Cour suprême a confirmé la condamnation de l’homme politique pour diffamation et le Conseil constitutionnel a jugé son dossier incomplet. Son parti a déjà envisagé des alternatives.
Le président du parti d’opposition Patriotes sénégalais pour le travail, l’éthique et la fraternité, Ousmane Sonko, à Ziguinchor (Sénégal), le 3 juillet 2022. (Muhamadou Bittaye /AFP)
publié le 5 janvier 2024 à 12h49
(mis à jour le 5 janvier 2024 à 19h09)

Double coup dur pour Ousmane Sonko. Le Conseil constitutionnel a rejeté vendredi 5 janvier l’examen de sa candidature à l’élection présidentielle, arguant que le dossier de l’opposant sénégalais était incomplet. L’administration aurait refusé de lui remettre tous les documents nécessaires, au motif de sa radiation des listes électorales. Selon la télévision du parti de Sonko, l’homme politique, actuellement en prison, n’a pas présenté «l’attestation de la Caisse de dépôts et des consignations» où doit être déposée la caution de 30 millions de Fcfa (45 000 euros) exigée pour concourir la présidentielle. Son avocat, Me Ciré Clédor Ly, a dénoncé une «farce électorale» et indiqué qu’il allait déposer «les recours prévus par la loi».

La nuit précédente, après plus de douze heures de débats, la Cour suprême avait déjà tranché sur son cas, juste avant minuit : la condamnation d’Ousmane Sonko pour diffamation a été confirmée, tout comme la peine prononcée en appel – six mois de prison avec sursis et 200 millions de francs CFA (un peu plus de 300 000 euros) de dommage et intérêts. L’opposant de 49 ans, arrivé en troisième position à l’élection présidentielle de 2019, était poursuivi par le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, pour l’avoir accusé, lors d’un point presse le 22 novembre 2022, de malversations financières dans le cadre de la gestion du Programme national des domaines agricoles communautaires.

La décision de la Cour suprême clôture cette affaire de diffamation. Elle constituait une étape cruciale dans la saga sur la validité – ou non – de la candidature d’Ousmane Sonko à la présidentielle du 25 février. L’opposant populaire parmi les jeunes des villes sénégalaises pour son discours souverainiste, panafricaniste et social, ses diatribes contre les élites et la corruption, avait finalement pu déposer un dossier de candidature dans les temps, après qu’un juge avait ordonné, mi-décembre, sa réinscription sur les listes électorales. Un énième rebondissement judiciaire qui avait redonné de l’espoir à ses partisans. Dimanche, en son absence puisqu’il est incarcéré, Sonko a été investi candidat de sa coalition. La cérémonie s’est déroulée dans un lieu privé, à huis clos, après l’interdiction par les autorités du meeting public prévu samedi.

Un candidat bis fidèle de Sonko

La Cour constitutionnelle dévoilera le 20 janvier la liste officielle et définitive des candidats. Avant même l’annonce du rejet de son dossier ce vendredi, la confirmation de la condamnation de Sonko avait à peu près ruiné ses chances de pouvoir se présenter. Le code électoral sénégalais prévoit en effet que «ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale» les individus «condamnés à une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à six mois avec sursis» (article 29) et «ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les condamnés […] à une peine d’emprisonnement avec sursis égale ou supérieure à trois mois» (article 30). Or, s’il est radié des listes électorales, Ousmane Sonko perd aussi le droit de se constituer candidat.

Son parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) a déjà envisagé un candidat bis en la personne de Bassirou Diomaye Faye, un fidèle de Sonko, lui aussi incarcéré. Mais il n’a pas encore passé la barre de la commission de contrôle des parrainages. Deux modes de parrainages – par les citoyens ou par les élus – sont possibles au Sénégal. Bassirou Diomaye Faye a opté pour le système du parrainage populaire. Il doit récolter plus de 44 231 signatures d’électeurs venant de sept régions sur les quatorze que compte le pays. La coalition pro-Sonko, déterminée à présenter un candidat coûte que coûte le 25 février, a même prévu un plan C : mercredi, la commission de contrôle a validé le dossier de Habib Sy, un ex-ministre du président Wade… parrainé par des parlementaires du Pastef. Il a annoncé qu’il retirerait sa candidature si celle de Sonko était validée. Ce scénario qui vient de s’effondrer.

Article mis à jour à 19 heures avec l’annonce du rejet de l’examen du dossier de candidature d’Ousmane Sonko par le Conseil constitutionnel.