Dans ce moment de frénésie, le vieil homme est le seul élément immobile du paysage. Assis à l’ombre d’une charrette renversée, il porte une chemise et un calot blanc. Un bracelet en plastique à son poignet indique un passage récent à l’hôpital. Ses mains jointes sont posées sur son déambulateur comme sur une balustrade, pour regarder l’agitation qui l’entoure. Il est le centre fixe d’une roue qui tourne à toute vitesse depuis une vingtaine de minutes. Sur une photographie, il serait le seul à ne pas apparaître flou.
Des camions du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) viennent de se garer dans les allées du camp de réfugiés d’Adré, dans l’est du Tchad. Près de 200 000 Soudanais du Darfour y sont installés, fuyant la guerre qui fait rage de l’autre côté de la frontière, à seulement 3 kilomètres. Le site a été surnommé «Camp lycée» car les premiers arrivés se sont abrités dans l’enceinte de l’établissement scolaire. Puis, cet été, les tentes, les huttes, les cabanes de fortune ont débordé de l’école, au gré des vagues de violences qui frappaient le Darfour et de l’exode des Soudanais. Les constructions sauvages se sont multipliées, grignotant peu à peu les champs de mil, enveloppant la petite ville tchadienne comme un manteau de misère.
Reportage
Les camions du HCR sont là pour vider ce camp anarchique et «relocaliser» – selon la terminologie officielle des Nations unies – les réfugiés vers des sites plus sûrs, c’est-à-dire éloignés de la frontière ; plus durables, a