Cela ne faisait que peu de doute, c’est désormais officiel. Le président tunisien Kaïs Saïed a annoncé ce vendredi 19 juillet qu’il briguerait un nouveau mandat lors de l’élection présidentielle qui doit se tenir le 6 octobre. «J’annonce officiellement ma candidature à l’élection présidentielle du 6 octobre prochain pour poursuivre le combat dans la bataille de libération nationale», a déclaré Kaïs Saïed dans une vidéo diffusée par la présidence. Parlant depuis la région de Tataouine dans le sud tunisien, il a affirmé répondre à «l’appel sacré de la patrie». «J’appelle tous ceux qui s’apprêtent à parrainer (des candidats) à se garder de toute sorte de malversation», a-t-il ajouté. «Je les appelle aussi à n’accepter aucun centime de la part de personne et s’ils le font, je ne leur pardonnerai jamais».
Interview
Depuis l’été 2021, Kaïs Saïed, 66 ans, accapare les pleins pouvoirs en Tunisie. En suspendant le Parlement et en limogeant son Premier ministre après plusieurs mois de blocage politique, le chef de l’Etat entendait «sauver une Tunisie» en crise. Il a fait adopter une nouvelle Constitution par référendum à l’été 2022 instituant un nouveau système de deux chambres aux pouvoirs très limités, faisant passer la Tunisie d’un régime parlementaire à un système ultra-présidentialiste qui consacre sa dérive autoritaire.
Fuite en avant répressive
Elle se caractérise aussi par une fuite en avant répressive. «Jusqu’à présent, j’expliquais que la différence entre Ben Ali et Kaïs Saïed, c’était que ce dernier ne faisait pas torturer ses opposants. Voilà, on y est», lançait ainsi, il y a quelques mois, Mohamed Abbou, avocat et ancien ministre de la Fonction publique, de la gouvernance et de la lutte contre la corruption. Depuis le printemps 2023, les principaux opposants ont été emprisonnés, notamment le chef du parti islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi, et la présidente du Parti destourien libre, Abir Moussi, nostalgique des dictatures du héros de l’indépendance Habib Bourguiba et de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011. Depuis février dernier, une vingtaine d’opposants et personnalités, qualifiés de «terroristes» par Kaïs Saïed, ont été emprisonnés et sont «accusés de complot contre la sûreté de l’Etat». Des ONG dont Amnesty International ont dénoncé «une chasse aux sorcières motivée par des considérations politiques».
Lotfi Mraihi, candidat de gauche déclaré à la présidentielle, a été condamné jeudi à huit mois de prison et à une inéligibilité à vie, alors que des ONG dénoncent une multiplication des obstacles pour les rivaux potentiels du président Saïed. Plusieurs personnalités politiques ayant annoncé leur candidature sont poursuivies en justice ou en prison comme Abir Moussi. Parmi les autres candidats présomptifs emprisonnés, Issam Chebbi, chef du parti d’opposition Al Joumhouri, arrêté le 25 février 2023 pour «complot contre la sûreté de l’Etat», a retiré jeudi sa candidature faute d’avoir pu obtenir les formulaires de parrainages, selon son parti. Egalement candidat déclaré, l’ancien ministre Abdellatif Mekki, chef du parti Travail et réalisation, et ex-dirigeant d’Ennadha, a été interdit le 12 juillet de quitter le territoire.
Kaïs Saïed est arrivé au pouvoir démocratiquement après une victoire écrasante (plus de 72 % des voix) à l’élection présidentielle d’octobre 2019. Celui qui était alors juriste constitutionnaliste avait fait campagne sur le rejet des élites et promettait de répondre aux revendications du peuple, restées sans réponse depuis la révolution de 2011.