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Libération
Corne de l'Afrique

Un espoir humanitaire dans l’Ethiopie en guerre

Libé Afriquedossier
L’annonce d’une trêve entre les rebelles du Tigré et l’armée pourrait permettre l’arrivée d’une aide d’urgence dans cette région coupée du monde depuis plus d’un an et victime, comme toute la Corne de l’Afrique, d’une sécheresse extrême qui fait craindre une catastrophe alimentaire.
A Mékélé, le 9 mai 2021. Le conflit a provoqué une grave crise humanitaire dans le nord de l’Ethiopie, où plus de 9 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire, selon le Programme alimentaire mondial. (Ben Curtis/AP)
publié le 25 mars 2022 à 20h53

Après dix-sept mois de conflit armé entre les rebelles de la région du Tigré et l’armée éthiopienne, les deux parties ont annoncé, l’une après l’autre, un cessez-le-feu. Le gouvernement d’Addis-Abeba avait communiqué jeudi une «trêve humanitaire illimitée» afin de permettre «la libre circulation de l’aide humanitaire vers ceux ayant besoin d’assistance» dans le nord du pays, où aucun convoi d’aide humanitaire n’est arrivé par la route depuis le 15 décembre.

Dans un texte publié vendredi matin, les rebelles tigréens s’engagent quant à eux «à mettre en œuvre une cessation des hostilités, effective immédiatement» et appellent le gouvernement du président Abiy Ahmed à «prendre des mesures concrètes pour faciliter l’accès sans restrictions», dans cette région où la faim menace.

Les forces progouvernementales et les rebelles du Front de libération du peuple Tigré (TPLF) s’affrontent depuis novembre 2020. Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix en 2019 pour avoir apaisé les tensions avec la voisine Erythrée, avait envoyé l’armée fédérale déloger les autorités de la région qui contestaient son autorité depuis des mois. Rapidement défaites, les troupes du TPLF ont ensuite, courant 2021, repris militairement le Tigré, et le conflit s’est propagé aux régions voisines de l’Amhara et de l’Afar.

Pénuries de carburant et de liquidités

Le conflit a provoqué une grave crise humanitaire dans le nord de l’Ethiopie, où plus de 9 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire, selon le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU. Au Tigré, le PAM estimait en janvier que 4,6 millions de personnes, soit 83% des quelque 6 millions d’habitants, étaient en «situation d’insécurité alimentaire», tandis que 2 millions souffraient d’une «pénurie extrême de nourriture».

Depuis mi-février, les opérations humanitaires au Tigré, où plus de 400 000 personnes ont été déplacées par le conflit, sont quasiment interrompues par les pénuries de carburant et de liquidités sur place. Les combats dans la région de l’Afar empêchent le passage des convois routiers d’aide alimentaire et de carburant sur la seule voie terrestre opérationnelle, qui relie Semera, capitale de l’Afar, et Mekele, capitale du Tigré. L’ONU a dénoncé un «blocus humanitaire de fait» du Tigré, dont le gouvernement et les rebelles se sont rejeté mutuellement la responsabilité.

Au-delà du conflit armé, la Corne de l’Afrique est confrontée à une grave sécheresse, après trois mauvaises saisons des pluies consécutives. «Cette situation menace l’agriculture et l’élevage, les moyens de subsistance de toute la région», soulignait l’ONG Oxfam le 18 mars, dans un communiqué en forme de cri d’alarme : «44 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence en Ethiopie, au Kenya, au Soudan du Sud et en Somalie. Et près de 21 millions de personnes sont en situation d’extrême insécurité alimentaire.»

Des ONG sollicitées en Ukraine

La guerre en Europe est un facteur d’aggravation de cette situation déjà catastrophique. Très sollicitées en Ukraine, les ONG auront moins de moyens humains et financiers à consacrer à l’Afrique, et les prix des matières premières alimentaires ont déjà commencé à flamber.

Les observateurs se demandent si cette trêve annoncée débouchera sur des pourparlers et une éventuelle paix durable. Les diplomates étrangers, menés par Olusegun Obasanjo, l’envoyé de l’Union africaine pour la Corne de l’Afrique, présent en Ethiopie ces derniers jours, tentent depuis des mois d’obtenir l’ouverture d’un dialogue, avec peu de progrès visibles. Washington, dont l’envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique David Satterfield était en Ethiopie cette semaine, «exhorte toutes les parties à s’appuyer» sur l’annonce d’une trêve «pour faire progresser un cessez-le-feu négocié et durable».

Roland Kobia, ambassadeur de l’Union européenne en Ethiopie, salue de son côté une «proposition positive». «Les deux parties semblent en phase. Aidons à créer un contexte favorable à une solution durable pour mettre fin» au conflit, écrit-il dans un tweet.