Un enfant tend les bras vers sa mère. Elle a 15 ans, peut-être 16. L’enfant crie. Elle le regarde d’un air absent, puis s’éloigne. L’enfant pleure et reste là, dans la terre ocre. Il sait à peine marcher. Depuis sa naissance, l’adolescente délaisse son enfant, l’enfant né d’un viol. Tous deux ont trouvé refuge au sein d’une antenne de la Fondation Don Bosco, située dans un havre de paix et de montagnes, à une heure de Freetown, la capitale sierra-léonaise.
Là-bas, plus de 70 jeunes filles mineures et victimes de violences sexuelles réapprennent à vivre, loin du stigmate et de la honte. Car bon nombre d’entre elles ont été chassées par leurs familles. Sous le chaud soleil d’avril, dans les coursives du refuge, une petite dizaine d’enfants en bas âge jouent en silence. «Beaucoup d’entre eux sont nés d’un viol. Certaines mères parviennent à créer un lien avec eux tout de suite. Pour d’autres, cela prend beaucoup plus de temps. Il faut savoir être patient. Certaines filles ont été violées si brutalement qu’elles ne peuvent plus s’asseoir, ni se tenir debout. Elles refusent de manger, elles se laissent mourir», glisse un responsable administratif en sortant du refuge.
Larmes et voix brisée
Dans un bâtiment attenant, un bureau, deux téléphones et autant d’employés de la fondation. Ici arrivent les appels du numéro national contre les violences faites aux enfants. Du matin jusqu’au soir, deux travailleurs sociaux enregistrent, crayon à la main, des histoires qui se suivent et se ressemblent, rival