«Notre travail et nos collègues sont menacés», s’inquiètent quelque 2 300 auteurs américains dans une lettre ouverte mise en ligne mardi 5 août. Des membres de la Writers Guild of America, le syndicat des scénaristes et des journalistes américains, s’insurgent de «l’assaut autoritaire sans précédent» mené par Donald Trump contre la liberté d’expression. Les signataires, dont Spike Lee, Adam McKay ou encore Lilly Wachowski, dénoncent des «tentatives anti-américaines visant à restreindre le type d’histoires et de blagues autorisées, à faire taire la critique et la dissidence». La lettre pointe notamment contre les «poursuites infondées contre des médias» que multiplie Donald Trump en «les utilisant comme monnaie d’échange contre des pots-de-vin».
«Gros pot-de-vin»
Fin juillet, l’administration Trump a autorisé le rachat de la société de production Paramount Global, détentrice de la chaîne de télévision CBS, par Skydance sous condition d’ajustements éditoriaux. L’accord est intervenu au terme d’un contentieux judiciaire entre le groupe et Donald Trump : le milliardaire reprochait à la société mère de CBS d’avoir modifié une interview avec Kamala Harris diffusée en octobre dernier, dans l’émission 60 minutes, pour «faire pencher la balance en faveur du Parti démocrate». En plus de la fusion avec Skydance, Paramount a mis fin au procès intenté par le président américain en versant 16 millions de dollars à destination de la future bibliothèque du locataire de la Maison Blanche.
Cet arrangement avait été qualifié de «gros pot-de-vin» par l’animateur Stephen Colbert, qui a vu dans la foulée son émission, The Late Show, être annulée par la chaîne après plus de trente ans d’existence. Le porte-parole de la Maison Blanche, Taylor Rogers, a affirmé au journal américain Variety que l’émission avait été supprimée car elle perdait plus de 40 millions de dollars par an : «Toute entreprise sensée annulerait la production d’un produit en difficulté et c’est exactement ce que faisait l’émission de Colbert. Le président Trump a raison : les Américains ordinaires ne veulent pas regarder l’émission de Colbert, sans talent et déficitaire.»
«Se battre pour un avenir libre et démocratique»
Pour les signataires de la lettre ouverte, toutefois, «Trump appelle régulièrement à l’annulation des émissions d’information et de divertissements qui le critiquent. Et pourtant, Paramount nous demande toujours de croire que l’annulation du Late Show avec Stephen Colbert n’était pas une question de politique ou d’approbation de fusion». «Il est alarmant de constater que la majeure partie du gouvernement fédéral s’est désormais jointe à ces attaques», ajoutent-ils, faisant allusion aux positions des Républicains du Congrès et du président de la Commission fédérale des communications (FCC), Brendan Carr, agence indépendante du gouvernement en charge du contenu des émissions de radio, télévision et internet.
La lettre accuse les élus d’avoir «collaboré» avec l’administration Trump pour couper les vivres à la Corporation for Public Broadcasting, un organisme de soutien financier aux médias et à l’audiovisuel public, dans le but de «réduire à silence PBS et NPR», des réseaux de télévisions qui cumulent à eux deux plus de 1 200 stations. La Corporation for Public Broadcasting a annoncé le 1er août sa fermeture, après cinquante-sept ans de fonctionnement. Une annonce inévitable après la décision de la Chambre des représentants de supprimer 1,1 milliard de dollars de financement sur deux ans. Les scénaristes appellent alors les élus et «dirigeants de l’industrie à résister à ces excès» et invitent «chaque personne prête à se battre pour un avenir libre et démocratique, à faire entendre sa voix».
«Ce n’est certes pas la première fois que la liberté d’expression est attaquée dans ce pays, mais elle demeure un droit, car des générations d’Américains se sont consacrées à sa protection, conclut la lettre. Cette période de la vie américaine ne durera pas éternellement, et lorsqu’elle sera terminée, le monde se souviendra de ceux qui ont eu le courage de s’exprimer.»