Le 5 novembre prochain, Thomas Matthew Crooks, 20 ans, aurait pu voter pour la première fois de sa vie à la présidentielle américaine. Le jeune homme fin, aux lisses cheveux châtains qu’il portait mi-long sur son visage mangé par une grande paire de lunettes, était inscrit comme républicain sur les listes électorales. Même si on ne connaît pas la date de son inscription sur les listes, ni même s’il était vraiment républicain. A 17 ans, il avait fait une donation de 15 dollars (14 euros) à ActBlue, un comité d’action politique qui collecte des fonds pour les démocrates.
Thomas Matthew Crooks ne votera pas. Il est mort, «neutralisé» samedi 13 juillet par les tirs des officiers de sécurité du Secret Service, quelques secondes après qu’il a tiré sur l’ex-président Donald Trump, le blessant à l’oreille droite. Il a aussi tué un des spectateurs du meeting de campagne à Butler, en Pennsylvanie. Deux autres personnes ont également été blessées.
La seule image du jeune homme en vie qui circule à cette heure est celle de sa remise de diplôme à Bethel Park High School, où il a terminé sa scolarité en 2022. L’école compte environ 1 400 élèves et sur ce nombre, 20 seulement, dont Thomas Matthew Crooks, ont reçu cette année-là un «prix d’excellence» d’une valeur de 500 dollars (458 euros) pour un concours national en mathématiques et science, selon le journal local The Tribune-Review.
Sa présence sur le toit repérée par des témoins
Sur la vidéo de la remise de diplôme, on le voit arriver sur l’estrade, souriant, vêtu de la traditionnelle robe étudiante noire. Souriant, il pose un court instant pour les photographes avec son diplôme en main. L’autre photo de lui disponible dans les médias est l’image peu distincte d’une silhouette inerte, allongée sur un toit, vêtue de vêtements de couleur claire. Une arme repose à côté de son corps sans vie sur ce toit du hangar d’une entreprise située à plus de 120 mètres du podium, en plein air, où parlait Donald Trump.
C’est de là que Thomas Matthew Crooks a tiré, à l’extérieur du périmètre de sécurité du meeting, mais pas si loin non plus, ce qui suscite déjà des questions sur la sécurité de l’événement de campagne. D’autant que plusieurs témoins interrogés dans les médias ont affirmé avoir notifié à la police la présence inhabituelle d’un individu sur un toit.
Le jeune homme a été abattu quelques secondes après la douzaine de tirs dont il a arrosé le meeting de campagne, manquant de peu l’ancien président. Près de son corps, les officiers de sécurité ont récupéré un fusil semi-automatique de type AR-15, qui aurait été légalement acheté par son père Thomas Crooks. Ce dernier, 53 ans, s’est brièvement exprimé samedi soir sur CNN pour expliquer qu’il tentait toujours de «comprendre ce qui est arrivé» et qu’il attendrait d’avoir parlé aux autorités avant de dire quoi que ce soit en public sur son fils.
Grand angle
Plusieurs heures après la tentative d’assassinat, et de manière assez inhabituelle, les informations sur le tireur et ses éventuelles motivations restaient très succinctes. Il ne portait pas sur lui de documents d’identité et le FBI n’a pu l’identifier que grâce à des analyses d’ADN. Une ligne spéciale a été ouverte et la police fédérale américaine a invité le public à communiquer toutes les informations possibles sur le tireur mais aussi sur l’attaque de samedi, en partageant photos et vidéos.
Selon les médias américains, citant des sources au sein des forces de l’ordre, des explosifs auraient été retrouvés dans la voiture de l’auteur de la tentative d’assassinat. Le véhicule était garé près du lieu du meeting où ont eu lieu les faits, indiquaient le Wall Street Journal et la chaîne CNN.
Dans la soirée ce dimanche, le FBI a tenu un point presse en Pennsylvanie pour rendre publiques quelques informations : selon les investigations de ses agents à ce stade, «le tireur a agi seul», avec un fusil semi-automatique acheté légalement, et aucune «idéologie apparentée» n’a été identifiée. La police fédérale a également déclaré «enquêter sur cette tentative d’assassinat mais la considérer également comme un potentiel acte de terrorisme intérieur».
Un t-shirt de fans d’armes à feu
Thomas Matthew Crooks vivait à Bethel Park, en Pennsylvanie, une ville tranquille située à quelque 80 kilomètres, une petite heure de voiture, de Butler, où se tenait le meeting de Trump. Selon sa page Wikipédia, Bethel Park est essentiellement connu pour avoir été le théâtre de la première attaque d’un camion de convoi de fonds aux Etats-Unis, le 11 mars 1927.
De Thomas Matthew Crooks, on en sait à peine plus. Si ce n’est qu’il n’avait pas de casier judiciaire. Mais de ses goûts, de sa famille, ses intérêts, son milieu social ou de quoi que ce soit qui puisse expliquer son geste, rien n’avait encore filtré près d’une journée après sa mort. Il ne semblait pas être présent sur les réseaux sociaux, à moins que ceux-ci aient été effacés.
American Psycho
L’administration de l’aviation fédérale a fermé l’espace aérien dimanche au-dessus de Bethel Park pour «des questions spéciales de sécurité», sans pour autant donner plus d’informations. Tout le quartier où se trouve le domicile du tireur était bloqué dimanche par les autorités, ne laissant passer que les résidents et les enquêteurs. Aucune affiche politique ne semblait orner les rues.
Les médias américains en étaient réduits à tenter des déductions en s’appuyant sur des détails comme le fait que Thomas Matthew Crooks portait un tee-shirt gris à l’effigie d’une chaîne YouTube, Demolition Ranch, très connue dans le milieu des fans d’armes à feu avec quelque 11 millions d’abonnés.
Mis à jour : à 22 heures, avec de nouvelles informations communiquées par le FBI.