Une photo de coquillages, et l’Amérique s’emballe. L’ancien patron du BFI, James Comey, a été interrogé vendredi 16 mai par les services secrets américains pour une publication Instagram où apparaît le nombre «8647» dessiné sur le sable à l’aide de coquilles. Une simple photo de vacances ? Pas pour le cabinet et les partisans de Donald Trump, qui y ont décelé un appel à l’assassinat du président américain. Des accusations prises au sérieux par les autorités, au point d’ouvrir une enquête et d’appeler à l’emprisonnement de James Comey, vieil ennemi du milliardaire.

L’entretien, raconte le New York Times, a eu lieu dans un bureau des services secrets, à Washington, dès le lendemain de la publication de la photo. En effet, James Comey n’a laissé l’image en ligne que quelques heures jeudi, avant de la supprimer face aux vagues de vives critiques à son encontre. «Je ne savais pas que certains associaient ces chiffres à la violence. Ça ne m’est jamais venu à l’esprit, mais je m’oppose à toute forme de violence, alors j’ai supprimé la publication», a-t-il déclaré vendredi. Le célèbre quotidien rapporte que l’ancien responsable a consenti à l’interrogatoire et n’a pas été écroué, les autorités le laissant rentrer chez lui dans la soirée.

Mais d’où vient cette interprétation du nombre 8647 ? Dans l’argot américain, le verbe eighty-six (ou to be 86’d) signifie couramment se débarrasser de quelque chose ou ne pas servir quelqu’un dans un restaurant, être expulsé d’un bar (on dira : "you’re eighty-sixed"), voire, dans un contexte militaire, interrompre une mission. Le Guardian convoque le dictionnaire Merriam-Webster — qui fait autorité concernant l’anglais américain — pour noter que 86’d a très rarement été utilisé pour signifier «tuer», mais précise qu’il ne cautionne pas cette signification «en raison de sa relative récence et de sa rareté». En ce qui concerne le chiffre 47, il pourrait faire directement référence à Donald Trump, 47e président des Etats-Unis.

L’interprétation est poreuse, mais qu’importe : en un rien de temps, les attaques contre l’ancien directeur du FBI ont eu lieu jusque dans les plus hautes sphères de l’administration Trump — fait peu commun. La secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, a déclaré que les services secrets, qui dépendent de son département, enquêtaient sur l’affaire, peu de temps après la publication de la photo. La directrice du renseignement national, Tulsi Gabbard, a, elle, carrément appelé à l’emprisonnement de James Comey. Mais certains détracteurs du républicain affirment que ses collaborateurs grossissent consciemment le trait afin de harceler l’une des bêtes noires de Donald Trump.

Depuis le premier mandat de Trump, Comey est en effet la cible de la colère du président américain, au point que ce dernier l’avait brutalement limogé de son poste de directeur du FBI en mai 2017. A cette époque, les services de renseignements enquêtaient sur des liens éventuels entre des membres de l’équipe de campagne du candidat républicain et la Russie, influençant le résultat de l’élection présidentielle de 2016. Devant le Congrès, James Comey avait livré un témoignage accablant contre Donald Trump, confirmant que ce dernier lui avait demandé de cesser d’enquêter sur Michael Flynn, ex-conseiller du président mêlé à cette ingérence.

Cette affaire, menant à la première procédure (ratée) de destitution du président américain (impeachment), est visiblement restée en travers de la gorge de Donald Trump. Dans une interview accordée à Fox News vendredi, le républicain ne tempère en rien les folles accusations émises contre James Comey – au contraire : «Il savait exactement ce que cela signifiait, […] un assassinat. C‘est clairement indiqué.» Interrogé sur ce qui devrait arriver à l’ancien patron du FBI, Donald Trump a répondu que la décision reviendrait à la procureur générale. «Je trouve cela terrible», a poursuivi le président américain, arguant que James Comey était «un flic corrompu».