Le long d’une rue interminable et sans nom, huit silhouettes crapahutent sac sur le dos dans la moiteur de l’aube. Ils ne disent pas un mot, léthargiques après une énième nuit sans sommeil. Ces migrants honduriens sont escortés par un individu qui connaît son chemin dans la noirceur tropicale. Ils ont quitté leur pays il y a trois jours, viennent de traverser le Guatemala et comptent bien franchir la rivière Suchiate, dans le sud-ouest du Guatemala. Le Mexique n’est plus très loin. Il s’agit en réalité de deux groupes que le destin – ou la corruption – a réunis ici : la veille, lors du contrôle simultané de plusieurs bus, des policiers les ont rackettés et ont mélangé leurs passeports. «C’était volontaire, fait Joel, 28 ans. Juste pour nous emmerder.» Arrivés dispersés à la gare routière de Tecún Umán, chacun a récupéré son passeport, puis ils ont décidé de rester ensemble. Plus que 2 000 kilomètres avant les Etats-Unis.
Le guide vire à gauche, puis à droite. Alerte, il ne cesse d’envoyer des messages vocaux via son smartphone. Les premières lueurs d’un soleil rouge viennent colorer les visages de ces noctambules. Le pas est pressé. Encore à droite. L’itinéraire change : ce n’est pas le chemin de l’embarcadère. Le peloton arrive sur une petite plage face à la rivière. Quatre ombres tapies dans l’obscurité les y attendent. Des passeurs, des membres d’une mafia locale. Joel et ses acolytes ne peuvent plus faire marche arrière. Ils devront payer le triple pour trav