Un taxi beige remonte la route forestière en impasse. Au même moment, trois douaniers sortent de la guérite préfabriquée. Munis de grandes valises, une femme seule, un homme et trois dames avec quatre enfants s’extirpent du vaste véhicule. «Anglais, français ou espagnol ?» D’un geste de la main, un agent stoppe les passagers et désigne un petit poteau blanc. «Là où vous êtes aux Etats-Unis, ici c’est le Canada. Si vous traversez ici, vous serez arrêtés.» Malgré un petit temps d’arrêt, voire d’hésitation, le groupe s’engage. «C’est votre choix», ajoute le douanier. Dans les bras de sa mère, une fillette tente un coucou amical vers les forces de l’ordre.
En à peine une heure, les mêmes taxis se présentent à deux reprises. Ils viennent le plus souvent de Plattsburgh, ville américaine à trente minutes de route. Il est possible de s’y rendre en autocar depuis New York, avec un billet parfois payé par les autorités new-yorkaises. En ce jour d’hiver enneigé, on retrouve une famille vraisemblablement d’Europe de l’Est avec pour seules affaires un sac de sport et de la nourriture pour bébé. Une autre famille de Colombie est plus équipée, vêtue de grosses vestes, accompagnée d’une peluche Pikachu et même d’un chat. Après un groupe venu de Haïti, un homme seul est simplement déposé par son frère.