Vent de panique chez les producteurs et industriels français. Donald Trump a lancé mercredi 2 avril une offensive commerciale mondiale de grande ampleur en imposant de lourds droits de douane à une soixantaine de pays. La France n’est pas épargnée, et ses exportations de biens vers les Etats-Unis à hauteur de 47 milliards d’euros seront taxées à 20 %. Washington est d’ailleurs le quatrième marché à l’export de la France, derrière l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, selon les douanes françaises.
En revanche, l’Hexagone importe davantage de biens outre-Atlantique qu’elle n’en exporte (52,7 milliards d’euros en 2024), et dépend moins des exportations américaines que d’autres pays européens, comme l’Allemagne (3,8 % de son PIB contre 1,6 % pour la France). Mais certains secteurs du marché français qui exportent beaucoup sont quand même très exposés à ces 20 % de droits de douane annoncés mercredi.
L’aéronautique, premier concerné
Un cinquième des exportations de la France vers les Etats-Unis est lié à l’aéronautique. Le pays a exporté pour 9 milliards d’euros de biens de la catégorie «aéronefs et engins spatiaux» vers Washington en 2024. L’avionneur européen Airbus, dont le siège opérationnel est situé à Blagnac, dans le sud-ouest de la France, revendique la position de «premier client des exportations de l’industrie aérospatiale américaine».
«Nous avons bien pris note des annonces, et évaluons les impacts potentiels» a déclaré jeudi 3 avril un porte-parole de l’entreprise, sans plus de précisions. De son côté, Dassault Aviation, qui vend entre un tiers et la moitié de ses jets privés aux Etats-Unis, avait de son côté indiqué début mars que ses prévisions de résultats pour 2025 dépendaient largement du niveau de droits de douane aux Etats-Unis.
Airbus pourrait d’ailleurs être partiellement protégé par son implantation sur le territoire américain : il a inauguré en 2015 une usine d’assemblage final dans l’Etat de l’Alabama, de laquelle étaient sorties, fin 2024, 500 pièces d’aéronautique. Airbus fait aussi valoir qu’il achète chaque année pour plus de 15 milliards de dollars de pièces à ses quelque 2 000 sous-traitants américains, répartis dans 40 Etats, et affirme qu’il soutient ainsi 275 000 emplois aux Etats-Unis. Son empreinte industrielle américaine devrait s’agrandir encore en 2025 avec l’inauguration prévue d’une deuxième ligne d’assemblage final pour l’un de ses modèles phares, l’A320, qui créera «1 000 nouveaux emplois» dans la région du golfe du Mexique.
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Le vin et le cognac sur le fil
Réputée mondialement pour ses vins de Bordeaux, de Bourgogne ou de Champagne, la France exporte massivement ces alcools aux Etats-Unis. En 2024, quelque 2,4 milliards d’euros de millésime ont traversé l’Atlantique, ce à quoi il faut ajouter plus d’1,5 milliards d’euros de «boissons alcoolisés distillées», dont notamment le cognac. Mais suite aux annonces de Washington, la filière française des vins et spiritueux craint un recul d’environ 800 millions d’euros d’exportations.
D’après les annonces faites mercredi, Donald Trump semble toutefois avoir abandonné l’idée d’une taxation à 200 % des alcools européens qu’il avait envisagée à la mi-mars. La Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) juge quand même que la décision des Etats-Unis d’appliquer un droit de douane général de 20 % sur tous les produits importés de l’Union européenne «entraînera des conséquences extrêmement lourdes sur le secteur des vins et spiritueux français et européens».
Le luxe un peu inquiété
Entre les parfums, produits pour la toilette, et la maroquinerie, la France a exporté pour 4,5 milliards d’euros de biens liés au luxe aux Etats-Unis en 2024. Toutefois, la clientèle, généralement aisée, est moins sensible à une éventuelle hausse des prix. «La maison a presque 190 ans, on en a connu des droits de douane…», relativisait mi-février le gérant du groupe de luxe Hermès Axel Dumas. Si ceux-ci augmentent, «on va augmenter nos prix pour compenser», assurait-il.
Mais comme pour les géants de l’aéronautique, certains des grands fleurons français du luxe ont également implanté des succursales aux Etats-Unis, ce qui devrait les préserver en partie des droits de douane. Le géant LVMH a notamment délocalisé des sites de production sur le territoire américain, où il y réalise un quart de son chiffre d’affaires.
La pharmacie exemptée
Les produits pharmaceutiques contribuent également grandement aux exportations françaises vers les Etats-Unis, à hauteur de 3,6 milliards d’euros en 2024. Mais la Maison Blanche a fait savoir dans la soirée que certaines catégories n’étaient pas concernées par les nouveaux de droits de douane annoncés mercredi, dont les produits pharmaceutiques.