Les Américaines se préparent à une «apocalypse reproductive». Les mots sont d’Elisa Wells, cofondatrice de l’organisation Plan C, qui œuvre pour déjouer les difficultés grandissantes dans l’accès à l’avortement aux Etats-Unis. Auprès du Guardian, celle-ci a expliqué que la réélection de Donald Trump avait entraîné une augmentation de 625 % du trafic du site de Plan C. En cause, l’angoisse de voir ce droit encore plus profondément remis en cause par le Président responsable du renversement de la jurisprudence fédérale Roe v. Wade.
«Le site a crashé, il ne pouvait plus suivre»
Aid Access, l’un des plus importants fournisseurs de pilule abortive par correspondance et qui permet notamment de faire du stock «pour un usage futur», a affirmé avoir reçu 10 000 demandes dans les vingt-quatre heures qui ont suivi l’élection du républicain, près de 17 fois plus que les 600 demandes quotidiennes habituelles. Au point que «le site a crashé, il ne pouvait plus suivre», a raconté sa fondatrice, le Dr Rebecca Gomperts, au quotidien britannique The Independant. Les militants derrière ce service, via lequel des professionnels de santé exerçant dans les Etats où l’IVG est légal prescrivent la pilule pour des femmes qui vivent dans ceux où il ne l’est pas, avaient beau avoir anticipé la fébrilité, ils n’en avaient pas imaginé l’ampleur.
Et de fait, ces comprimés comme les services qui les fournissent sont dans le viseur du «Project 2025», feuille de route établie par les ultraconservateurs du pays en vue de leur retour à la présidence. Qui sait donc si dans quelques mois, les Américaines pourront toujours se procurer de quoi réaliser des IVG médicamenteuses ? Comme l’a relevé le magazine Women’s Health, dans un article rédigé sur le mode «faut-il faire du stock ou non ?», le mifépristone (ou RU-486) reste utilisable pendant au moins cinq ans. La publication met toutefois en garde contre le fait de fournir des pilules à son entourage, «zone grise légale» qui pourrait être passible de prison dans certains Etats.
«Nous devons prévoir le pire»
Le cachet abortif n’est pas le seul sujet d’inquiétude. Les professionnels de santé ont aussi remarqué une ruée vers la pilule du lendemain. «Les femmes sont intelligentes, a dit au Guardian Cynthia Plotch, cofondatrice de la marque de santé sexuelle Winx. Nous voyons ce qui arrive, et nous nous protégeons.» Le Planning familial américain a aussi déclaré au Washington Post que mercredi dernier, les rendez-vous en vue d’une vasectomie – méthode de stérilisation masculine – avaient augmenté de 1 200 % et ceux pour une pose de stérilet de 760 %. Par ailleurs, les personnes trans, visées tout au long de la campagne par des attaques trumpistes, craignent aussi une restriction de l’accès aux hormones et aux bloqueurs d’hormones, et ont commencé à faire des provisions.
«Nous ne savons pas à quoi nous attendre, s’est désolée Elisa Wells dans le Washington Post. Mais je pense que nous devons prévoir le pire.» Si elle comprend l’anxiété qui s’empare des Américaines, Rebecca Gomperts promet que Aid Access, basé en Europe, «continuera de travailler malgré tout», même dans l’illégalité : «Rien ne nous arrêtera. L’avortement est la forme de soin la plus importante pour les femmes.»