Menu
Libération
Anti-social

Argentine : Javier Milei dérégule massivement l’économie et abroge la loi encadrant les loyers

Sans surprise, le président d’extrême droite a annoncé un décret facilitant notamment les privatisations dans de nombreux secteurs. Un discours qui a entraîné les premières manifestations de son mandat.
Manifestation contre les annonces du nouveau président argentin Javier Milei à Buenos Aires mercredi 20 décembre. (Luis Robayo /AFP)
publié le 21 décembre 2023 à 10h01

Sur les questions économiques et sociales, il avait d’emblée annoncé la couleur. Et il a mis à exécution ses menaces. Le président argentin d’extrême droite, Javier Milei, a annoncé mercredi 20 décembre une dérégulation massive de la troisième économie d’Amérique latine et signé un décret destiné à modifier ou abroger plus de 300 normes dont celles sur les loyers, les privatisations et le droit du travail. Le décret doit toutefois encore passer par le Parlement, où le parti de Milei est minoritaire.

«L’objectif est d’entamer le chemin vers la reconstruction du pays, rendre la liberté et l’autonomie aux individus et commencer à désarmer l’énorme quantité de régulations qui ont retenu, entravé et empêché la croissance économique dans notre pays», a déclaré Milei dans une allocution diffusée à la radio et à la télévision.

Parmi les mesures annoncées figure l’abrogation de la loi encadrant les loyers «pour que le marché immobilier recommence à fonctionner sans problème», a expliqué le président, élu en novembre et qui a pris ses fonctions le 10 décembre. Un problème du mal-logement pourtant récurrent dans le pays, notamment depuis la crise du Covid.

Doivent également être abrogées les lois empêchant la privatisation d’entreprises publiques comme la compagnie aérienne Aerolineas Argentinas ou le groupe pétrolier YPF. Les sociétés publiques seront toutes transformées en sociétés anonymes en vue de leur privatisation, a affirmé Javier Milei, économiste de formation.

Le chef de l’Etat a aussi annoncé une «modernisation du droit du travail» pour créer plus d’emplois, la modification de la loi sur les sociétés pour que les clubs de football puissent se transformer en sociétés anonymes aussi et une longue série d’autres mesures de dérégulation dans les secteurs du tourisme, de la santé, d’internet, du transport aérien, de la pharmacie, de la viticulture ou encore du commerce.

Accord difficile à trouver au Parlement pour Milei

Le décret a été publié à minuit au journal officiel. Il devra être examiné dans les dix jours par une commission mixte composée de députés et de sénateurs, mais ne sera invalidé que s’il est rejeté par les deux chambres du Parlement, a expliqué l’avocat constitutionnaliste Emiliano Vitaliani.

Mais le parti d’extrême droite de Milei, La Libertad Avanza, ne compte que 40 sièges sur 257 à la Chambre basse et seulement sept sièges au Sénat sur 72. Il devra donc chercher des soutiens auprès de la coalition de centre-droit Juntos por el Cambio, partiellement alliée avec Milei et qui compte 81 députés et 24 sénateurs, et auprès des 26 députés et huit sénateurs indépendants. L’opposition péroniste, elle, compte 105 députés et 33 sénateurs, et la gauche cinq députés.

«Ce message n’est pas surprenant car il n’y a rien que Milei n’ait pas dit qu’il allait faire pendant la campagne. Mais il est surprenant que la mesure ait été prise de cette manière, avec un décret d’urgence», a commenté la politologue Lara Goyburu. Javier Milei avait annoncé le 12 décembre une première série de mesures, notamment une dévaluation choc de plus de 50 % du peso et la réduction des subventions aux transports et à l’énergie.

Cet économiste de 53 ans tente notamment de justifier ses décisions ultralibérales par l’inflation dans le pays qui dépasse les 160 % sur un an et les plus de 40 % de pauvres. Milei souhaite par ailleurs ramener les dépenses publiques à 5 % du Produit intérieur brut (PIB).

«Ça me rappelle la dictature»

L’allocution présidentielle a été accueillie par un concert de casseroles de protestation dans plusieurs quartiers de Buenos Aires, et des milliers de personnes sont spontanément descendues dans la rue près du Parlement pour exprimer leur rejet. Quelques heures avant l’allocution présidentielle, des milliers de manifestants avaient déjà défilé dans la capitale à l’appel des organisations de gauche Polo Obrero et Movimiento Socialista.

Il s’agissait de la première manifestation contre Milei depuis son arrivée au pouvoir. Le gouvernement de Javier Milei avait la semaine dernière menacé de supprimer les aides sociales aux manifestants qui bloquent les rues. L’ampleur du dispositif policier, supervisé par le président et sa ministre de la Sécurité Patricia Bullrich depuis le siège de la police fédérale, a été critiquée par les organisateurs. Eduardo Belliboni, dirigeant de Polo Obrero, a même fustigé : «Ça me rappelle la dictature.»