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Contestation

Argentine : Javier Milei subit sa deuxième grève générale en cinq mois seulement

Les syndicats argentins ont appelé à des protestations massives ce jeudi 9 mai contre l’immense casse sociale orchestrée par le nouveau président d’extrême droite. Pour l’instant, l’effet de ses mesures sur l’économie est ambivalent.
Une manifestation à Buenos Aires contre la politique de Javier Milei, le 7 mai 2024. (Luis Robayo/AFP)
publié le 9 mai 2024 à 9h24

Pendant que lui est toujours droit dans ses bottes austéritaires, la rue hausse le ton en Argentin contre le président d’extrême droite Javier Milei. Alors que des manifestations d’ampleur diverse sont déjà quasi-quotidiennes, une deuxième grève générale a lieu ce jeudi 9 mai pour dénoncer les réformes ultralibérales du nouveau gouvernement entrée en action il y a cinq mois.

Ni trains, ni bus, ni métro durant 24 heures : la capitale Buenos Aires devrait sonner creux, sans une grande partie des 3 millions de personnes qui y transitent chaque jour. Quelque 400 vols seront annulés, affectant 70 000 passagers, selon l’Association latinoaméricaine du transport aérien. La grève «contre un ajustement brutal, en défense du droit du travail, syndical, et à un salaire digne», lancée par plusieurs syndicats dont la puissante CGT péroniste, s’annonce suivie. Bien plus que celle du 24 janvier (douze heures seulement), un semi-échec raillé par le gouvernement comme la grève «la plus rapide de l’histoire» car annoncée en décembre, dix-huit jours après l’investiture du Président d’extrême droite.

Cette fois encore, la présidence dénonce une grève «strictement politique» et des syndicats «battant des records de rapidité et du nombre de grèves», face à un gouvernement «à peine entré en fonction». Syndicats qui vont «à l’encontre de ce que les gens ont voté il y a cinq mois». L’impact politique pourtant, pourrait être moindre que les grandes marches pour la défense de l’université du 24 avril (un million de manifestants à travers le pays), plus forte mobilisation hostile à Milei à ce jour.

De fait, malgré une légère inflexion en avril, plusieurs sondages récents voient le chef de l’Etat argentin osciller entre 45 et 50 % d’image positive - il avait été élu avec 56 %. Une forme de stabilité spectaculaire pour un gouvernant qui a infligé en peu de mois, entre dévaluation, prix libérés, dépenses et aides publiques «tronçonnées», «l’ajustement le plus grand de l’histoire de l’humanité», comme l’anarcho-capitaliste aime à rappeler.

«Flexible dans la pratique»

En plus, le corrosif Président, «sans pour autant changer sa personnalité et son discours agressif», est en train de vivre «un apprentissage politique», considère Rosendo Fraga, politologue de l’Académie des sciences morales et politiques.

A ce titre, l’adoption fin avril (du moins à la Chambre basse) de son train de réformes dérégulatrices, un projet amendé, rétréci, raboté, est «importante» : elle montre un Javier Milei «plus flexible dans la pratique, assouplissant l’idéologie», et qui «peut articuler une coalition pour gouverner, malgré sa faible force» de 37 députés sur 257.

Reste que la santé économique argentine dépend de l’angle depuis lequel on la scrute. Inflation en décélération, de 25 % en décembre à 9 % prédits pour avril, ou récession inquiétante, avec -3,2 % de recul d’activité sur un an ? «Exploit historique» (dixit Milei) d’un budget à l’excédent au premier trimestre, inédit depuis 2008, ou sombre record de la pauvreté (41,7 % officiellement), à des niveaux pas vus depuis 2006 ?

Selon qu’ils se focalisent sur l’équilibre des comptes, la baisse du risque-pays, ou sur l’impact micro-social, les pertes d’emplois, opposition et gouvernement s’envoient les indices à la figure : «Sacrifice inutile du peuple», dénonce l’ex-présidente Cristina Kirchner. «Notre plan fonctionne», claironne Milei.

Mais des économistes, y compris libéraux, s’inquiètent de «l’après». «Javier Milei a […] une seule variable en tête : l’inflation», estime Carlos Rodriguez, jadis proche du nouveau président. «Le plan d’ajustement est simplement de ne rien payer, avec ces premiers mois une réduction des coûts dans tous secteurs. Mais je ne vois pas de plan».

Au-delà de la grève, qui semble vouée à n’infléchir en rien la politique suivie, difficile de prédire qui, d’une reprise ou du ras-le-bol, se fera sentir le premier. Carlos Heller, un ex-banquier et député d’opposition, estime pour sa part que «la limite à l’ajustement, ce sont les ajustés et leur capacité de résistance qui l’imposent».