Javier Milei avait programmé sa longue tirade à une heure de grande écoute, 21 heures, pour que «le plus grand nombre possible d’Argentins puisse écouter le président après leur travail», selon la présidence. Dans son premier discours sur l’état de la nation ponctué de menaces envers ses alliés et de messages censés rassurer la population, le président d’extrême droite argentin, Javier Milei, s’est dit vendredi déterminé à pousser plus avant ses réformes «avec ou sans soutiens» politiques. Il a d’ailleurs mis en garde les parlementaires qui, en février, lui ont infligé son premier revers en retoquant son train de réformes dérégulatrices (660 dispositions) : «Nous allons changer le pays pour de bon […] avec ou sans le soutien des dirigeants politiques, avec toutes les ressources légales de l’exécutif.» «Si vous cherchez le conflit, vous aurez du conflit», a-t-il menacé.
Il a rappelé aux députés, qu’il traitait ces dernières semaines de «nid à rats», «corrompus», «symboles de la caste» politique, que par décrets, modifications réglementaires, ou projets de lois, il dispose d’outils de «lutte contre le déficit budgétaire qui est pour nous la mère des batailles». Le chef de l’Etat a en revanche tendu une main à la classe politique, aux influents gouverneurs des provinces, dirigeants de partis, ex-présidents, pour forger un «nouveau contrat social» sur la base de dix principes éminemment libéraux : équilibre budgétaire «non négociable», propriété privée «inviolable», dépense publique réduite au niveau «historique» de 25 % du PIB, notamment. Un «Pacte de Mai», comme il l’a baptisé, qui serait signé à Cordoba (Nord) symboliquement le 25 mai, jour de l’anniversaire de la Révolution de Mai (1810) qui mena à l’indépendance (1816).
«Rideau de fumée»
Il a promis dans la foulée des jours meilleurs à sa population. «ll faut encore du temps avant que nous puissions récolter les fruits de l’assainissement économique et des réformes […] mais pour la première fois de l’histoire, nous attaquons le problème par sa cause. Pour cela je vous demande patience et confiance», a-t-il déclaré. «L’effort va valoir la peine» leur a assuré Milei, dont le gouvernement a opéré en moins de trois mois une dévaluation de plus de 50 %, une libéralisation des prix, une large déréglementation et des coupes budgétaires drastiques. Le président, qui claironne ses premiers résultats - excédent budgétaire mensuel en janvier, inédit en douze ans - se sent pour l’heure conforté par les sondages. Malgré l’électrochoc du pouvoir d’achat, il reste autour de 50 % d’image positive, pas loin de son score à la présidentielle (56 %). Un soutien dans les sondages qui n’avait pas empêché des premières manifestations quelques semaines après sa prise de fonction et une grève générale fin janvier.
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Le président ultralibéral a par ailleurs longuement fait l’inventaire de vingt ans de politique gouvernementale «appauvrissante», la qualifiant «de banqueroute morale et intrinsèquement injuste» qui n’a profité qu’à une «caste politique», avant d’annoncer un projet de «loi anti-caste», avec diverses propositions, notamment une limite des mandats des dirigeants syndicaux, la réduction du nombre d’assistants parlementaires, la fin des avantages pour les ex-présidents. Il a enfin annoncé la fermeture de l’agence de presse publique Telam (environ 700 salariés), l’un des médias qui était dans le viseur du nouveau gouvernement, devenu selon lui «agence de propagande» des gouvernements péronistes.
Un discours offensif «qui a bien mis toute la viande sur le gril», s’est félicité le député pro-Milei Jose Luis Espert quand la députée de gauche Myriam Bregman a dénoncé «un rideau de fumée pour ne pas parler de ce qu’on vit, prix de fous, manque de nourriture dans les soupes populaires, hausse des loyers».