Javier Milei a rappelé ce dimanche 10 décembre qu’il n’était pas seulement d’extrême droite, mais également ultralibéral. Trois semaines après sa retentissante victoire électorale, le douzième président de l’Argentine a prêté serment dans le Parlement «au nom de Dieu, de la patrie et sur les Saints Evangiles», jurant d’honorer sa charge avec «loyauté et patriotisme». Puis il a revêtu l’écharpe présidentielle ciel et blanc avant de promettre, avec des airs thatchériens : «Il n’y a pas d’alternative à un ajustement, il n’y a pas d’alternative à un choc» en matière budgétaire, car «il n’y a pas d’argent !»
Dans son premier discours avec cette fonction, non pas devant les parlementaires comme c’est la tradition, mais depuis les marches du Parlement, il a déroulé son discours pro-austérité. «Nous savons que la situation va empirer à court terme. Mais après nous verrons les fruits de nos efforts», a-t-il dit, promettant de «prendre toutes les décisions nécessaires pour régler le problème causé par cent ans de gaspillage de la classe politique», «le pire héritage» jamais reçu par un gouvernement.
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Troisième économie d’Amérique latine, l’Argentine est confrontée à une inflation chronique, à 143% sur un an, un endettement structurel, et 40% de pauvreté. Mais le programme du candidat victorieux d’extrême droite pour faire face à la très grave crise économique est pourtant délirant et, en grande partie, inapplicable : abandon de la monnaie nationale, le peso, au profit du dollar ; suppression de la Banque centrale ; fermeture de nombreux ministères comme la Santé ou l’Education… Son discours de rupture contre ce qu’il appelle la «caste politique» a en revanche fait mouche.
Face à lui, une mer ciel et blanc de plusieurs milliers de partisans, dominés par des drapeaux argentins et des maillots de la sélection de football, acclamait ses interventions, aux cris de «Libertad, Libertad» et «Motosierra !» («tronçonneuse»), en référence à l’outil qu’il a brandi en campagne, pour symboliser les coupes à venir dans l’Etat ennemi.
Après son discours, ponctué de son slogan fétiche «Viva la libertad, carajo !» («Vive la Liberté, bordel !»), Javier Milei, au côté de sa sœur et proche conseillère, Karina, 50 ans, a parcouru en décapotable les 2 kilomètres séparant le Parlement de la Casa rosada, la présidence, s’arrêtant parfois pour aller à la rencontre de la foule.
Macron et le maillot de Milei
Javier Milei est allé à la rencontre des représentants de pays étrangers qui ont fait le déplacement. A commencer par Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien s’était déjà entretenu fin novembre avec Milei, et l’avait «remercié pour sa position claire. Pas d’équilibre entre le bien et le mal. Juste un soutien clair à l’Ukraine».
Parmi les autres chefs d’Etat et de gouvernement présents : le roi d’Espagne, Felipe VI, le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, et les voisins de l’Argentine : l’Uruguayen Luis Lacalle Pou, le Chilien Gabriel Boric, le Paraguayen Santiago Peña. Le Brésilien Lula, vivement critiqué par Milei par le passé, a envoyé sa cheffe de la diplomatie.
La présidence française s’est elle aussi fait représenter par le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, que l’on a vu tout sourire avec le président tout juste intronisé. Un déplacement que n’a pas partagé le ministre sur son compte X, pourtant régulièrement mis à jour. Milei, lui, avait en revanche publié vendredi 8 décembre sur son compte X une photo d’Emmanuel Macron posant avec un maillot du club de Boca Juniors envoyé par le président argentin, sur lequel était écrit son slogan : «Viva la libertad, carajo !»
Une sortie qui a fait réagir à gauche. Olivier Faure, secrétaire du Parti socialiste, a dit regretter voir «Emmanuel Macron en agent publicitaire du populiste ultralibéral Javier Milei», quand Jean-Luc Mélenchon a ironisé sur Javier Milei, «le gars [qui] veut détruire tous les services publics. Encore un bon pote pour la France, carajo [«bordel», ndlr] !»
Le président d’extrême droite, économiste surtout connu pendant des années comme panéliste polémique prisé des plateaux télés, a renversé la politique argentine. Elu député en 2021, il a balayé les blocs péroniste (centre-gauche) et de droite, qui alternaient au pouvoir depuis vingt ans, avec un message dégagiste. Comme les Etats-Unis avec Donald Trump en 2016, puis le Brésil en 2018 avec Jair Bolsonaro, élus sur un discours similaire, les Argentins se sont choisi un président populiste et extrémiste. Et ils vont devoir affronter un ultralibéral encore plus assumé.