La rue bouscule le débat parlementaire en Argentine. Les discussions sur les réformes du président ultralibéral Javier Milei reprennent ce vendredi 2 février au parlement argentin. La veille, les députés d’opposition avaient quitté l’hémicycle pour dénoncer la «répression» d’une manifestation par la police. Jeudi soir, les forces de l’ordre ont tiré des balles en caoutchouc, recourant aussi à des canons à eau et au gaz lacrymogène, pour disperser des centaines de manifestants et dégager des axes de circulation aux abords du Parlement à Buenos Aires.
Reportage
Les députés de partis d’opposition, notamment de gauche, sont sortis jeudi soir a l’extérieur pour observer les incidents. «On ne peut pas siéger de cette façon», a lancé le député Mariano Del Caño. Le parti d’opposition modérée UCR (centre-droit) avait auparavant mis en garde contre une «dangereuse avancée répressive alimentée par l’exécutif». Revenus dans l’hémicycle, ils ont demandé en vain un ajournement du débat, qui s’est poursuivi jusqu’après minuit. L’élu péroniste Maximo Kirchner, fils de l’ex-présidente Cristina Kirchner, a justifié leur sortie pour «prendre 40 minutes, afin d’éviter des morts et des tragédies». Alejandro Finocchiaro, député allié du gouvernement, les a accusés de manœuvrer avec les manifestants pour «mettre fin à cette session» parlementaire. «Dehors, il n’y a pas de travailleurs, s’il s’agissait de travailleurs, ils ne seraient pas 48 heures sans rien faire», a-t-il raillé.
Compilation
Après un face-à-face encore tendu tard jeudi soir entre des grappes de manifestants et des cordons de police qui s’efforçaient de les maintenir sur les trottoirs, les abords du Parlement étaient vidés autour de minuit. Des médias argentins ont fait état de trois blessés et deux interpellations, sans confirmation officielle initiale. Le syndicat de presse de Buenos Aires, SiPreBA, a pour sa part recensé une quinzaine de journalistes touchés par des balles en caoutchouc, dont un au visage.
Une loi omnibus de détricotage
Les parlementaires examinent depuis mercredi, lors de séances marathon, le vaste et polémique train de réformes dérégulatrices de Javier Milei, qui touche maints aspects de l’économie, des sphères publique et privée. Dès le début des débats, une manifestation de plusieurs milliers de personnes avait dérapé en soirée, conduisant la police à faire usage de gaz lacrymogène.
Démesurée, avec 664 articles dans sa version initiale, cette salve de réformes baptisée «loi omnibus» a été détricotée à mesure de tractations parlementaires, en commissions, et selon des sources législatives dans la presse, ne comporterait plus que 224 dispositions.
Deux aspects surtout génèrent des résistances : l’étendue de privatisations, avec 40 entreprises visées, et la délégation de pouvoirs accrus à l’exécutif, pour une période limitée, au nom de «l’urgence économique», en matière tarifaire, énergétique, fiscale notamment. L’opposition redoute que cela n’autorise à imposer par décret des réformes que le Parlement aurait rejetées.
Un député d’opposition péroniste (gauche), Anibal Cisneros, a exprimé «la peur de donner des pouvoirs absolus» à Milei dont «on ne sait pas s’il ne va pas se réveiller en colère demain et déclarer la guerre au Chili, au Pérou ou à la Chine». Damian Arabia, député de l’opposition de droite libérale alliée du parti minoritaire de Milei (troisième force au parlement), a exhorté la Chambre à voter les réformes «car ce qui est en jeu est la gouvernabilité».
Le président Milei assure depuis son arrivée au pouvoir il y a près de deux mois, qu’il n’y a «pas de plan B», «pas d’alternative» à l’austérité et la dérégulation, pour stabiliser une économie structurellement endettée, et saoule d’une inflation record à 211 % sur un an. Après un ajournement à minuit passé, les députés devaient reprendre le débat vendredi matin, en vue d’un premier vote sur le principe de la loi, avant d’examiner les articles dans le détail.