Menu
Libération
Main de la justice

Argentine : quatre ans après la mort de Maradona, le procès de ses médecins déclaré nul

Après plus de deux mois d’audience, les juges ont dû se dessaisir de l’affaire : l’une des magistrates participait à un documentaire non autorisé sur la procédure devant éclairer les derniers jours de l’idole.
L'ancien médecin de la légende du football argentin Diego Maradona, Leopoldo Luque, quitte le tribunal après une audience à San Isidro, dans la banlieue de Buenos Aires, le 29 mai 2025. (Tomas Cuesta/AFP)
publié le 30 mai 2025 à 10h03

Une audience entamée depuis plusieurs semaines, 40 témoins entendus et la fascination de tout un pays – a minima. Sept professionnels de santé – médecins, psychiatre, psychologue, infirmiers – étaient jugés depuis le 11 mars pour des négligences ayant potentiellement entraîné la mort de Diego Maradona, en novembre 2020. Mais Maximiliano Savarino, le président du tribunal de San Isidro, en banlieue nord de Buenos Aires, a prononcé jeudi 29 mai la «nullité du procès». Il devra recommencer avec de nouveaux juges.

La décision a été prise après la récusation d’une des trois magistrates pour avoir participé à un documentaire non autorisé. La conduite de la juge Julieta Makintach, qui a été dessaisie mardi, a «engendré un préjudice pour les parties accusatrices comme pour la défense», a estimé Maximiliano Savarino. Sa position était devenue intenable après la révélation de sa collaboration – à l’insu de tous – à la préparation d’une mini-série documentaire dont elle était protagoniste clé. «Une mort, une idole, une juge, un procès», promettait la bande-annonce, diffusée mardi à l’audience. Après cet épisode rocambolesque, des avocats de la défense avaient demandé la reprise du procès, mais avec un nouveau trio de magistrats.

Maximiliano Savarino a acté que le procès devra reprendre «avec un autre tribunal», donc d’autres juges que lui-même et sa collègue Veronica di Tomasso. Aucune date n’a été avancée, mais le nouveau procès pourrait ne pas avoir lieu avant plusieurs mois. Le procureur, Patrico Ferrari, avait appuyé le changement de juges, évoquant une «contamination horizontale» du procès : «Quelquefois il faut faire deux pas en arrière pour faire un pas en avant». Il a dit espérer qu’il puisse reprendre «cette année». Fernando Burlando, avocat des filles aînées de Maradona, spéculait lui aussi sur une reprise «avant la fin de l’année», estimant que la première version de l’audience «avait une sale odeur, de rance», raison pour laquelle il fallait «nettoyer, tout changer».

«Maradona toujours pas en paix»

«El Pibe de Oro» est mort à 60 ans le 25 novembre 2020, à la suite d’une crise cardiorespiratoire doublée d’un œdème pulmonaire. Après des heures d’agonie, selon l’accusation, sur un lit de convalescence à Tigre (près de San Isidro), où il récupérait depuis deux semaines après une intervention neurochirurgicale pourtant sans accroc. Le «dieu» du football argentin est-il décédé lorsqu’a lâché, inéluctablement, un corps usé par excès et addictions ? Ou la mort était-elle au contraire évitable, et y a-t-il eu malveillance, éventuellement consciente ? C’est tout l’enjeu de ce procès.

L’accusation évoque un «assassinat». Fernando Burlando suggère un «intérêt pécuniaire» de l’entourage soignant. Les accusés encourent entre 8 et 25 ans de prison, mais nient la moindre responsabilité dans le décès, se retranchant chacun derrière leur tâche spécifique, sans lien avec les causes de la mort. Cinq ans après son décès, «Maradona toujours pas en paix», résumait cette semaine un titre de la presse argentine, à propos de la débâcle judiciaire.

L’une des filles du footballeur, Jana Maradona, a exprimé sa «colère», après la nullité. «Je les déteste», a-t-elle lancé indistinctement, à l’adresse de la justice. «Scandaleux», a commenté Veronica Ojeda, ex-compagne de la star et mère d’un de ses enfants. «Nous allons devoir témoigner à nouveau, repartir de zéro. Mais s’il faut le faire mille fois, on le fera mille fois. Justice sera faite».